Marco Asensio, le yin-yang du footballeur

Chez les footballeurs de très haut niveau, ceux qui pratiquent leur art au sein des plus grandes compétitions mondiales et européennes, la régularité est exigée, mais certains brillent autrement. C'est le cas de Marco Asensio, un ex-crack du football mondial, qui, depuis le début de saison, alterne le très bon... et le très mauvais. Décryptage.

Marco Asensio fait partie de ces joueurs en qui on avait placé beaucoup d’espoir. L’espoir qu’il devienne un joueur de classe mondiale, car à ses débuts au Real Madrid, numéro 20 floqué dans le dos, celui qui s’est fait appeler Marco en hommage à Van Basten, a très franchement marché dans les pas de la légende néerlandaise. Sous Zinédine Zidane, à l’époque, Asensio détonne et marque les esprits en se montrant virevoltant balle au pied.

Quelques saisons plus tard, après une grave blessure notamment, une rupture du ligament croisé antérieur du genou droit en juillet 2019, le désormais numéro 11 du Real Madrid n’est pas devenu le joueur qu’il devait être. Pourtant, cette saison, grâce en partie à Carlo Ancelotti, l’international Espagnol aux 26 capes parvient à montrer son talent avec parcimonie, pourquoi ?

Un rôle idoine

Cette saison, Marco Asensio a disputé 29 matchs toutes compétitions confondues, pour 9 buts et 1 passe décisive. Il a passé 1536 minutes sur le terrain. Excepté deux rencontres de Ligue des Champions et une seule de Liga, à chaque fois qu’il a été appelé dans le groupe par Carlo Ancelotti, il a foulé la pelouse, ne serait-ce que quelques minutes. Le coach italien, justement, l’utilise, à bon escient. Son rendement est acceptable, car finalement, l’attendait-on autant décisif ? Karim Benzema et Vini Jr. lui volent légitimement la vedette et Marco Asensio peut tranquillement s’épanouir sur son côté droit, là où il a le plus joué.

Son entraîneur italien semblerait qu’il lui donne un rôle de joker, mais un joker, c’est rarement un titulaire. Or, Marco Asensio a été aligné dans le onze de départ 17 fois depuis le début de saison. Son rôle est donc finalement très hybride. Il brille par intermittence, mais lorsque cela survient, on reste souvent bouche-bée, signe que le pari de Carlo Ancelotti fonctionne. En Liga, il a ouvert le score deux fois dans des matchs où la victoire était plus que requise, c’était au Santiago Bernabéu face à Alavés et à Grenade en novembre. Grenade, justement, est sûrement sa victime préférée, car au match retour à domicile au début du mois dernier, le Madridiste a débloqué la situation et a ramené trois points cruciaux pour le Real Madrid. Une frappe incroyable du gauche, signe que le talent (fugace) est bien présent…

Un talent indéniable… mais discret

Ce talent fugace, il l’a montré à plusieurs reprises depuis le début de saison. Lors de ses buts, quasiment à chaque fois, il nous a émerveillés. Il y a notamment cette lucarne face à l’Inter Milan en phase de groupes de Ligue des Champions en décembre, toujours avec son pied gauche. Le Madridista décroche une frappe magnifique à l’entrée de la surface. Ce genre de geste, on pourrait s’en délecter chaque week-end, car oui, Marco Asensio a ce talent, celui de faire vibrer tout un stade, mais il est un intermittent du spectacle, il est en représentation que quelques jours dans l’année.

Lorsqu’il a décidé de sortir de sa tanière, Marco Asensio a du génie dans les pieds, un peu moins dans son jeu sans ballon, mais nous en parlerons sûrement plus tard. Depuis le début de saison, Carlo Ancelotti l’a également fait jouer à d’autres postes, comme celui d’attaquant de pointe, d’ailier gauche, en numéro 8 et en numéro 10 hybride le temps de trois matchs. Et bien durant ces trois rencontres, l’Espagnol a marqué à trois reprises. Marco Asensio a le profil du milieu offensif technique, capable de se montrer décisif. Ce n’est pas son rôle cette saison, même s’il sait le faire, mais c’est un bon passeur, bon dribbleur, très bon tireur, de coup de pied arrêté également, doté d’une très belle vision de jeu. Marco Asensio est un joueur qui fonctionne à l’instinct, celui qui permet de lever les foules… et on aimerait bien que celles-ci se lèvent plus souvent.

Marco Asensio, traduction française : amertume

Talent brut lorsqu’il éclabousse l’Europe de son talent avec la Roja championne d’Europe U-19 en 2015, le Real Madrid se dit alors qu’il tient une fantastique pépite. À Majorque, son club formateur, ses éducateurs sont dithyrambiques à son sujet : « C’était le typique jeune joueur de rue. À 9 ans, il jouait déjà contre des jeunes de 15 ans et personne n’arrivait à lui prendre le ballon » confie Clemente Marin, scout du RCD Majorque durant un quart de siècle, dans les colonnes d’El Pais. Ils n’ont pas menti, car lors de ses débuts avec les Madridistas, le coup de foudre est instantané. Rapidement décisif, il devient le chouchou des supporters et de Zinédine Zidane.

Puis comme évoquée précédemment, la blessure en 2019 est synonyme de rupture, de coup d’arrêt pour un Asensio au potentiel incroyable. Lui qui devait « remplacer » Cristiano Ronaldo en 2018, être le nouveau visage du Real Madrid, s’est finalement rangé dans la catégorie des bons joueurs de football.

Marco Asensio est un joueur ordinaire, au talent extraordinaire

Arrêtons de ressasser le passé, intéressons-nous désormais au présent. Asensio possède moult qualités et est un homme fort de Carlo Ancelotti. Mais nous sommes en droit de nous demander, compte tenu de certaines prestations de l’enfant des Baléares, si ce n’est pas par manque d’options offensives au Real Madrid. Cette saison, Asensio marque, des très beaux buts d’ailleurs, mais l’impression visuelle qu’il laisse aux spectateurs est inexistante. Ses golazos ne doivent pas occulter sa « froideur » sur le terrain. À quand remonte votre dernier souvenir d’Asensio qui élimine un joueur en un contre un dans une zone dangereuse pour l’adversaire ? Pourtant maître de la roulette cette saison, il est seulement au 18e centile en dribbles réussis par match et se classe parmi les pires ailiers pour éliminer son adversaire dans les cinq grands championnats (48 % de dribbles réussis).

Un manque de prise de risque frustrant, lui qui fut tant fougueux et audacieux jadis… Cela se ressent également à la passe, pourtant doté d’une superbe vision de jeu et d’une patte gauche à en faire rougir plus d’un, Asensio n’a délivré qu’une passe décisive cette saison. Pire encore, il ne fait quasi jamais progresser son équipe grâce à des passes vers l’avant (51e au centile dans ce domaine). C’est devenu un adepte des passes démagogiques sur le terrain.

Parlons de son poste, cantonner à l’aile droite la majorité de la saison, sommes-nous bien sûrs que ça soit son meilleur poste ? Attaquant de soutien ? Milieu de terrain ? Ailier ? Poussons la réflexion plus loin. Savons-nous réellement quel type de joueur il est ? À 26 ans, ce sont des inconnus qui ne doivent pas exister. On peut se dire que cela reflète d’une certaine polyvalence, car oui balle au pied, Asensio sait normalement tout faire, mais le problème vient en réalité de son jeu sans ballon. Carlo Ancelotti aime l’utiliser à droite pour équilibrer son équipe en phase défensive. Le joueur espagnol a amélioré son comportement et son body language, il produit plus d’efforts défensifs et est plus attentif à son replacement. Cependant, à la récupération de la balle, il n’explose plus vers l’avant comme lors de ses débuts, ses appels sont généralement amorphes. Et si l’un des principaux problèmes du Real Madrid du coach italien est sa capacité à presser, l’Espagnol n’y déroge pas. Le numéro 11 madridista compile de mauvaises statistiques au niveau de l’efficacité du pressing (seulement 5e au centile à son poste dans les 5 grands championnats) et dans les statistiques défensives habituelles, comme les contres, les tacles ou les duels gagnés. Compliqué alors pour un joueur comme Asensio d’évoluer dans un milieu à trois, son manque d’impact défensif serait un problème supplémentaire pour Ancelotti.

Marco Asensio est capable du meilleur comme du pire, dans la lignée de beaucoup de joueurs de l’histoire du club madridista. Ressentiment causé par le regret ou la déception, l’amertume fait aussi partie du romantisme d’un joueur, qui donne du goût à son football. Est-ce la blessure ou est-ce nous qui nous sommes trop enflammés lors de ses débuts ? Malgré ces questions encore sans réponse, une chose est claire, le Real Madrid 2021-2022 a besoin qu’Asensio flirte un peu plus souvent avec son ancienne version, pour continuer à dominer la Liga et à espérer faire une remontada en Ligue des Champions contre le PSG.

 

Eliott Lafleur & Victor Brochet