En arrivant sur les bords de la Tamise, Thomas Tuchel à métamorphoser l’équipe de Chelsea. Si Lampard avait décelé les diamants Mount et James, c’est bien l’allemand qui les a polis pour donner les joueurs que l’on connaît aujourd’hui. Rapide, solide et technique, le XI de Chelsea impressionne par sa polyvalence. Cependant, cet aspect ultra complet a également ses défauts. Actuellement, le Real Madrid se prépare au quart de finale de Ligue des champions l’opposant au Chelsea FC. Le 3-5-2, ou 3-4-3, des Blues avait posé un problème l’an dernier aux hommes de Zinédine Zidane. Pour mieux aborder cette revanche, voici une analyse synthétique de la patte de jeu de Tuchel observée du côté de Stamford Bridge.
Un pressing de champion
Le style de jeu de l’allemand n’étonne personne. Outre-Rhin, il est même devenu la base et à participer à faire la renommée de ses compatriotes. Le gegenpressing ou contre-pressing est devenu la référence d’un jeu où l’intensité sans ballon est devenue roi dans le monde du ballon rond. Cet outil tactique consiste à mettre tous les efforts possibles à récupérer le ballon dès sa perte, faire en sorte de gêner aussi bien la relance que la transmission en agressant d’entrée. Comme beaucoup d’équipes anglaises, les joueurs de Thomas Tuchel ont pour habitude de mettre beaucoup d’intensité. Mais cette dernière semble disparaître quand ils ont le ballon, une fois que le gegenpressing prend fin.
Les Blues n’ont pas une construction rapide du jeu, ils s’illustrent plus par une grosse possession et de longues phases de jeu avec beaucoup de passes. Avec Manchester City, ils sont la seconde équipe de Premier League à connaître les plus longues séquences de jeu (11.69 secondes). Un chiffre impressionnant pour le championnat anglais, mais qui reste moins élevé que les habitudes espagnoles. Par exemple, le Barça et le Real Madrid sont de très loin plus gourmands en possession que ce Chelsea (respectivement 12.27 et 12.92 secondes pour chaque séquence en moyenne). Dans sa vision du jeu, Thomas Tuchel déclare emprunter beaucoup à Pep Guardiola et son FC Barcelone des années 2000. Il refuse cependant qu’on le compare à lui. Selon un article de Goal, il déclare : « J’apprécie son utilisation schématique de la balle. La manière dont toute l’équipe, avec détermination et passion, tente de regagner le ballon après la perte de balle. »
Dans la position de ses joueurs, ses 10 hommes de champ semblent disperser en deux blocs distincts. Il y a d’un côté, ce qu’on pourrait définir comme un trapèze défensif, composé d’une ligne de trois solides défenseurs et avec une première barricade de deux milieux défensifs. Devant, on observe un autre quintette, cette fois offensif. Ce dernier participe énormément au contre-pressing, son habileté technique lui permet également de conserver le ballon le plus longtemps possible dans les 30 derniers mètres adverses. Cependant, en Premier League, c’est seulement la 11e équipe (source stat : The Analyst) à récupérer le plus de ballon haut, de quoi se demander si son pressing est réellement efficace. De la même manière, c’est la 19e formation de son championnat pour qui ces récupérations hautes amènent le moins souvent à un tir. Mais sur leurs quelques récupérations, les tentatives sont létales. En moyenne, un tir sur 7 issus d’une récupération haute finit en but pour eux dans leur championnat. Comment expliquer cette anomalie dans le jeu ? L’équipe de Thomas Tuchel est-elle l’équipe la plus chanceuse du championnat anglais ?
Des défaillances prononcées
Dire que Chelsea est chanceux, c’est exagéré. En réalité, le problème est majoritairement lié à l’effectif. À Stamford Bridge, beaucoup de joueurs techniques sont présents, mais on retrouve trop peu de tueurs devant les cages. Si l’arrivée de Romelu Lukaku était censée régler ce problème, elle n’a, finalement, fait qu’apporter un énième profil différent à un panier de joueurs offensif déjà bien garni. Dans les 30 derniers mètres, les Blues tentent peu, mais quand ils tentent, ils réussissent souvent. Il faut dire que la qualité ne manque pas chez les champions d’Europe en titre. Avec Pulisic, Ziyech, Lukaku, Havertz, Werner et Mount utilisé régulièrement dans le trio offensif avancé, il y a de quoi faire. Ces derniers sont également assistés par des pistons qui étirent le bloc et les nourrissent de ballon.
Cependant, ce groupe d’attaquants squattant les 30 derniers mètres adverses possède un bien triste tableau de réalisations. À eux 6, ils accumulent 52 buts. Le trio Karim Benzema, Vinícius Júnior et Marco Asensio a planté, lui, la bagatelle de 59 buts cette saison. L’inefficacité londonienne devient alors encore plus flagrante quand on s’aperçoit qu’à eux seuls, KB9 et Viní Jr. sont à 49 tirs réussis. À son arrivée, Lukaku n’a pas su amener cette capacité attendue et observée à l’Inter d’avant-centre complet et moderne. Il ne se projette pas, ne joue pas assez de son physique et il n’a personne pour jouer en pivot contrairement à l’Inter. Si Tuchel essaye de le faire combiner avec Havertz, Mount et Werner, l’association ne semble pas être suffisante pour l’instant. Il faut dire que les profils ne correspondent pas. Mount et Havertz sont très polyvalents, mais restent initialement des milieux offensifs alors que Timo Werner, lui, est un pur 9. L’absence de réel second attaquant pénalise l’attaque des Champions d’Europe.
Cependant, une faible moyenne de buts par atout offensif ne veut pas dire un faible réalisme pour autant. C’est en cela que réside le paradoxe Chelsea. Si tout paraît bien aller dans son système de jeu, le champion d’Europe reste une formation étrangement déséquilibrée. En effet, les Blues sur-performent devant le but. Pour 32.8 xG enregistré par The Analyst les coéquipiers d’Azpilicueta ont planté 38 buts dans le jeu courant. Une dynamique extravagante qui s’exprime aussi dans les phases arrêtées avec 7.6 xG pour 11 buts. À travers toutes ces équations qui peuvent donner des airs d’apprentis sorciers, la défense dirigée par Thiago Silva est dans le même rang. L’écart entre le nombre de buts encaissés et les Expected Goals concédés est flagrant, presque 17 xG concédés pour seulement 10 occasions terminant réellement dans le but des hommes de Tuchel. L’apport d’Édouard Mendy en défense est à signaler. Toutes ces données viennent à demander si Chelsea n’est pas dans la dynamique de son dernier titre européen ? L’historique des Blues va dans ce sens. Cette saison, ils n’ont jamais gagné face à une équipe tenant du Top 5 de PL au moment du match.
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