Le Bernabéu, une machine à cash qui tourne à plein régime

par | 26/07/2025 - 17:07 | 16 commentaires

En rénovant le Santiago Bernabéu pour plus d’un milliard de dollars, le Real Madrid a transformé une enceinte mythique en moteur économique. Ce pari audacieux, financé à des conditions avantageuses, redéfinit la place des infrastructures sportives dans le modèle économique d’un club.

À l’heure où de nombreux clubs européens cherchent désespérément des investisseurs ou multiplient les ventes de joueurs pour rester à flot, le Real Madrid affiche un visage radicalement différent. En rénovant le stade Santiago Bernabéu, le club madrilène n’a pas seulement modernisé son outil de travail, il a bâti un levier économique autonome, capable de générer des recettes massives, de diversifier les sources de revenus et de stabiliser durablement les comptes du club.

Le projet, lancé avant la pandémie, portait en lui une prise de risque majeure : plus de 1,9 milliard de dollars d’investissements, financés à travers trois prêts distincts. Mais ces emprunts, obtenus à des conditions exceptionnelles (taux d’intérêt compris entre 1,5 % et 2,5 %, avec un différé de remboursement sur la durée des travaux), ont permis au Real Madrid d’agir sans affecter son activité sportive ni ses finances courantes. Mieux encore : ces prêts sont traités comme une entité séparée, car le stade se rembourse par lui-même, grâce aux revenus directs qu’il génère, rapporte l’entrepreneur Joe Pompliano.

Une enceinte transformée en moteur de croissance

En chiffres, les résultats sont éloquents. Le club a établi un record en 2024/25 avec 1,4 milliard de dollars de chiffre d’affaires annuel (+10 % par rapport à l’année précédente), devenant la première entité sportive au monde à atteindre un tel niveau de revenus devant même les franchises américaines comme les Dallas Cowboys. Ce bond s’explique notamment par l’explosion des recettes les jours de match : 290 millions de dollars en 2023/24, puis 400 millions l’année suivante, soit près de trois fois plus qu’avant la rénovation. Une dynamique rendue possible par l’ouverture progressive des nouvelles installations : loges premium, boutiques, espaces d’accueil, musée étendu, et surtout une capacité portée à plus de 85 000 spectateurs.

Mais la grande révolution est invisible : le système de pelouse rétractable, conçu par la société espagnole SENER, permet de stocker le terrain sous terre dans un espace climatisé, éclairé et ventilé, rendant le stade multifonction. Grâce à cette innovation, le Bernabéu peut accueillir toute l’année des concerts, salons, compétitions de basket ou des événements internationaux, dont un match de saison régulière NFL prévu en 2025. L’enjeu dépasse le football : il s’agit d’exploiter le stade comme une plateforme événementielle à haute rentabilité, en plein cœur de Madrid.

MADRID, SPAIN - MAY 04: A general view of the outside of the stadium prior to the LaLiga EA Sports match between Real Madrid CF and Cadiz CF at Santiago Bernabéu Stadium on May 04, 2024 in Madrid, Spain. (Photo by Florencia Tan Jun/Getty Images)

MADRID, SPAIN – MAY 04: A general view of the outside of the stadium prior to the LaLiga EA Sports match between Real Madrid CF and Cadiz CF at Santiago Bernabéu Stadium on May 04, 2024 in Madrid, Spain. (Photo by Florencia Tan Jun/Getty Images)

Un modèle économique robuste et indépendant

Cette transformation du modèle d’infrastructure s’inscrit dans une gestion globale exemplaire. Le Real Madrid reste l’un des rares clubs d’Europe à afficher une rentabilité structurelle année après année. En 2024, le bénéfice net s’élève à 28,5 millions de dollars, tandis que le BAIIDA (bénéfice avant intérêt, impôts, dépréciation et amortissement) atteint 244 millions, et même 285 millions en incluant le solde net des transferts, un record historique pour le club insiste Joe Pompliano. En parallèle, la maîtrise des coûts se confirme : le ratio salaires/revenus est descendu à 43 %, son plus bas niveau en 25 ans, bien en dessous du seuil d’excellence fixé par l’UEFA (50 %).

Hors dette liée au stade, le club affiche une situation quasi vierge : une dette nette de seulement 13,7 millions de dollars, contre plus de 280 millions en 2020, au pic de la crise sanitaire. Et la trésorerie suit : près de 200 millions de dollars en cash disponibles, complétés par près de 500 millions de lignes de crédit non utilisées. En clair, le Real Madrid dispose aujourd’hui d’une marge de manœuvre exceptionnelle, tout en conservant une discipline budgétaire stricte.

Si la modernisation du Bernabéu n’est pas encore totalement finalisée, certaines infrastructures acoustiques sont toujours en cours d’installation. L’impact est déjà majeur. Le stade a élevé le plafond de revenus du club, élargi ses activités au-delà du football et garanti une source de financement autonome pour les décennies à venir. Il est devenu une entreprise en soi, intégrée, mais indépendante, capable de soutenir financièrement le club tout en le rendant moins vulnérable aux aléas du terrain ou du marché.

Djamel BENNACER

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