Chapitre 7 : Lucien Muller, le « petit Kopa » du Real Madrid

Comme chaque dernier lundi du mois, retrouvez notre série consacrée aux « Français et le Real Madrid ». Après le chapitre six sur Raymond Kopa, place aujourd'hui au septième avec Lucien Muller.

(Toño Lozano)

Lucien Muller, de son nom complet Lucien Muller Schmidt, est né à Bischwiller le 3 septembre 1934. Surnommé « le petit Kopa », le milieu offensif de 1m74 est le deuxième Français après Raymond Kopa à quitter le football français pour un championnat étranger, et plus particulièrement pour rejoindre le Real Madrid. Malgré son talent, sa carrière en équipe de France n’a pas été à la hauteur de son parcours en clubs.

Après des débuts amateurs au FC Bischwiller, Lucien Muller fait ses premiers pas professionnels en 1953 au RC Strasbourg. En quatre saisons, le jeune de 23 ans inscrit 20 buts en 81 matches. Alors que le club strasbourgeois est relégué en D2 en 1957, Lucien Muller poursuit sa carrière prometteuse au Toulouse FC où il inscrit 23 buts en 76 matches avant d’être transféré en 1959 dans le plus grand club français de l’époque, le Stade de Reims.

Au Stade de Reims avec Raymond Kopa

Lucien Muller rejoint au Stade de Reims, Raymond Kopa, la légende française tout juste auréolée d’une grande épopée au Real Madrid et sur le vieux continent. Avec le maître à jouer Kopa, Muller remporte le championnat de France et le Trophée des Champions à l’issue de la saison 1959-1960, confirmant les énormes attentes placées en lui. Mais ses bons débuts avec le club rémois ne riment pas avec ses premiers pas laborieux chez les Bleus. En effet, au cours de l’été 1960, le nouvel international Français dispute le premier Euro de l’histoire avec l’équipe de France, une compétition définitivement « à oublier » pour lui. À domicile, les Français sont éliminés, après une défaite en demi-finale contre la Yougoslavie (4-5) et l’échec (2-0) face à la Tchécoslovaquie dans le match pour la 3e place.

« C’était le premier Euro, mais on ne savait pas à ce moment-là que cette compétition allait devenir aussi intéressante et importante par la suite », raconte Lucien Muller dans une interview accordée à la Fédération française de football en janvier 2022. « J’ai joué le premier match contre la Yougoslavie. Maryan Wisniewski avait marqué à vingt minutes de la fin, on menait 4-2 et on s’est fait remonter pour être battus 5-4. Ils avaient une grosse équipe, mais cela ne fait rien, cette défaite est entièrement de notre faute : on ne savait plus où on était ! On a perdu un match inimaginable, on se demande encore comment aujourd’hui. Je ne joue pas le deuxième contre la Tchécoslovaquie, les sélectionneurs ayant tout chamboulé pour aligner ceux qui n’avaient pas joué le premier. Et on a encore perdu (2-0) ! C’est à oublier… »

Et pour oublier, il a fallu du temps à Lucien Muller. Une saison pleine, soit la saison de transition 1960-1961, vierge de titre pour le milieu alors âgé de 28 ans. La saison suivante, Muller renoue enfin avec la victoire, grâce notamment à son second et dernier sacre en D1 française avec le club rémois. Fort de ses belles performances, Muller plaît de l’autre côté des Pyrénées, notamment au Real Madrid où Alfredo Di Stéfano fait le forcing pour l’attirer dans la capitale espagnole. Ainsi, à l’issue de la saison 1961-1962, Lucien Muller quitte le Stade de Reims (125 matches, 24 buts) pour le Real Madrid. S’il a été cherché à Reims par Alfredo di Stéfano, c’est bien parce que dans son jeu, Lucien Muller avait des traits de ressemblance avec Raymond Kopa. Le Français a été repéré par le double Ballon d’Or grâce à sa qualité de dernière passe. Une qualité qui lui a valu le surnom de « petit Kopa » dans la capitale espagnole, bien qu’étant nettement plus grand que l’ancienne idole du Stade de Reims (1m75).

(furialiga.fr)

« Le Real Madrid, c’était magique ! »

Lucien Muller suit les traces de son aîné, Raymond Kopa, en quittant le Stade de Reims pour le Real Madrid : « Je suis passé de Reims au Real Madrid juste après Raymond Kopa, qui avait fait le chemin inverse », a témoigné l’intéressé. Un choix de carrière félicité par le même Kopa dans la foulée : « L’essentiel pour un joueur c’est d’y aller (au Real Madrid, ndlr). C’est déjà quand même une référence. […] Il est certain que c’est toujours bon de jouer avec des vedettes telles que Di Stefano et Puskás. »

Lucien Muller réalisait ainsi son rêve d’enfant, grâce au concours de l’icône Madridista Di Stéfano. « Quand j’étais jeune, je rêvais de Ferenc Puskás et je n’imaginais pas qu’un jour, je jouerais à ses côtés au Real Madrid. C’est Alfredo Di Stéfano qui m’a fait venir. Il cherchait un milieu de terrain qui donnait bien le ballon, j’avais plus ou moins la même manière de jouer que Pep Guardiola quand il était au Barça. Di Stefano est venu me voir à Reims et cela s’est conclu comme cela. Mon plus grand souvenir est d’avoir pu jouer avec ces cracks, les Kopa, Puskas, Di Stéfano… Rien qu’à l’entraînement, il fallait voir comment ils prenaient le ballon. C’était magnifique ! » s’est rappelé un Muller nostalgique. 

Au Real Madrid, Lucien Muller passe trois saisons fastes en Espagne, mais moins bonnes sur l’échiquier continental. Le tricolore domine la Liga avec les Madridistas et réalise le triplé (1963, 1964 et 1965), mais ne parvient pas à remporter la « sexta » (sixième Coupe d’Europe). Il clôt son épopée madridiste avec 3 buts inscrits en 105 matches disputés.

Un transfert « inédit » puis un retour en France

À l’été 1965, Lucien Muller signe avec le FC Barcelone (88 matches, 4 buts) et devient le premier et le seul joueur français à s’engager chez les Blaugranas en provenance du Real Madrid : « Aucun autre joueur français ne l’a fait. (…) C’était inédit », témoigne-t-il. Même si lors de sa première saison avec le club catalan, il remporte la Coupe des villes de foire (ancêtre de la Ligue Europa), la suite sera plus compliquée, notamment avec la forte concurrence du Real Madrid et de l’Atlético de Madrid qui trustent l’ensemble des titres de Liga, ne laissant qu’une Coupe d’Espagne au FC Barcelone en 1968.

Par la suite, il quitte la péninsule pour un ultime retour en France, au Stade de Reims. Lucien Muller y termine sa carrière après 71 matches disputés et 5 buts inscrits. Il prend officiellement sa retraite en 1970, à 36 ans. Au total, il a inscrit 82 buts en 562 matches toutes compétitions confondues, clubs et sélections compris.

Une carrière d’entraîneur moins flatteuse

Tout juste après sa retraite, Lucien Muller a embrassé une longue carrière d’entraîneur en Espagne de 1970 à 1992, dont le principal fait d’armes fut la saison 1978-1979 passée sur le banc du FC Barcelone. C’est pourtant grâce à sa parenthèse en France, à l’AS Monaco (1983-1986), que Lucien Muller a glané les trois titres de son palmarès : deux Coupes des Alpes (1983 et 1984) et une Coupe de France en 1985. En 1992, il prend sa retraite d’entraîneur à l’âge de 58 ans. 

Prudence