Éder Militão, de paria à patron

Depuis son arrivée au club, le défenseur central est passé par toutes les émotions. Rapidement critiqué, il a fini par s'imposer comme un titulaire indiscutable.

Incontournable. Au 19 février dernier, Éder Militão était le défenseur ayant remporté le plus de duels (189) des 5 grands championnats européens. Selon cette information parue dans MARCA, le joueur est donc l’un des tout meilleurs défenseurs d’Europe cette saison. Devenu indéboulonnable à Madrid, la trajectoire du joueur n’est pas des plus linéaires. Arrivé pour 50 millions d’euros à l’intersaison 2019, il a connu l’habituel parcours des jeunes perles de la capitale espagnole. Que l’on parle d’anciens ou de nouveaux nés du fútbol, les Rois d’Europe ne font de cadeaux à personne. Pour jouer, il faut prouver. Dans cette équipe, les réels titulaires ne sont que très peu nombreux. Si l’on excepte les légendes du nom de Modrić ou Benzema, ceux qui foulent le pré du Bernabéu prennent plus souvent des allures d’éternels prétendants que de cadres absolus du XI.

Pour Éder Militão, l’évolution de sa carrière sous le maillot blanc est aussi remarquable que remarquée. Afin d’en faire le portrait-robot, voici trois événements symbolisant l’actuel passage du Brésilien sur les bords du Manzanares.

Manchester City : la peur du mauvais côté

Le moins que son histoire madridista puisse raconter, c’est qu’à son arrivée durant l’été 2019, la confiance n’était pas le maître-mot de son CV footballistique. Si ce n’est pas la faute du joueur, l’image de son malaise à l’occasion de sa présentation à la presse n’y a pas aidé. Son premier match titulaire avec le maillot blanc ? Une humiliation 3 à 0 contre le PSG au Parc des Princes. Ce soir-là, il n’avait pas été exempt de tout reproche. La suite de la saison prend un rythme bien particulier pour le défenseur. Présent pour faire le nombre, Zidane ne le convoque qu’aux blessures de Sergio Ramos. Les fans ne veulent plus le voir disputer les rencontres importantes et les moqueries s’enchaînent sur les réseaux sociaux. Puis le 26 février 2020, le drame se dessine en Espagne. L’emblématique capitaine espagnol récolte un carton rouge en quart de finale aller de Ligue des Champions. Vaincus 1 à 2 à domicile, les Madridistas devront se déplacer sur la pelouse de Manchester City pour une remontada sans le numéro 4. Ils se contenteront seulement du jeune Éder Militão comme titulaire.

Avant cette rencontre, le Brésilien a disputé moins de 1 500 minutes sous le maillot blanc. En Ligue des Champions, il compte seulement 2 matchs, dont l’humiliation à Paris. Le 07 août 2020, lui et Varane constituent la muraille madridista à l’Etihad Stadium. Malheureusement, Karim Benzema et ses coéquipiers ne réaliseront pas l’exploit, la faute à une défense aux abois. Mais contrairement à ce qui est redouté, ce n’est pas le jeune brésilien qui a péché ce jour-là. Derrière les coups de massues citizen, ce sont deux bourdes de Raphaël Varane qui qualifient les Anglais. Alors que toutes les craintes étaient dirigées vers le novice, c’est bien le vétéran qui a précipité son équipe dans la défaite. Avec 100 % de duels gagnés au sol et 88% de passes réussis, l’ancien du FC Porto a montré qu’il était capable de porter le poids de ces soirées européennes sur ses épaules.

Liverpool FC : le statut de roi

Au printemps 2021, Éder Militão peut toucher du doigt ce qu’il n’a jamais fait avant : enchaîner les matchs. L’équation est simple, du 03 avril jusqu’à la fin de la saison, il joue toutes les rencontres possibles et ceci durant 90 minutes à chaque reprise. En un mois et demi, le défenseur aura emmagasiné presque autant de minutes que durant toute la saison 2019-2020. Sa titularisation « surprise » face à Liverpool en quart de finale de Ligue des Champions y joue pour beaucoup. Le 06 avril 2021, jour du match aller, les suspicions sont vérifiées, Varane a le Covid. Au pied levé, le numéro 3 doit alors le remplacer. Heureusement pour le joueur, il avait déjà pu jouer une partie complète face à Eibar quelques jours avant. Contre toute attente, le disgracié est en condition et il répond présent. Sur les deux rencontres cumulées, il contrôle les déplacements des attaquants de Liverpool avec intelligence. S’il est en partie fautif sur le seul but anglais de la double confrontation, il traumatise les Reds à l’aller puis au retour.

Pour le premier match, les hommes de Klopp essayent d’envoyer le ballon derrière la défense madrilène pour abreuver Mohamed Salah du style d’occasions dont il raffole. À ce jeu-là, les champions d’Europe 2019 s’y sont essayés et ils s’en sont mordu les doigts. En plus de ses 100 % de duels gagnés au sol, le natif de la région de São Paulo l’emporte à 4 de ses 6 sollicitations aériennes. Au retour, le manager de l’équipe adverse se résigne à changer de plan. Mais face au Brésilien, les Anglais resteront muets. Entre les deux matchs, AS fait passer le mot comme quoi le staff du Real Madrid compte désormais pleinement sur le joueur. Officieusement, la direction madrilène en aurait même fait la relève de Sergio Ramos.

Pour la suite de la compétition, Raphaël Varane évoque le virage pris dans la carrière de son coéquipier. En conférence de presse, il exprime ces paroles : « Quand il n’avait pas de rythme, c’était difficile, pour lui, de jouer. Maintenant, il a plus de continuité, c’est un très bon joueur. » Le champion du monde français se reconnaît même en lui : « J’ai connu sa situation aussi. Quand tu as peu de temps de jeu pour faire tes preuves, on exige beaucoup de toi. Ce n’est pas facile. Mais c’est bien, car il ne baisse jamais les bras et il a toujours le sourire. Je suis content qu’il puisse avoir cette continuité pour démontrer sa qualité. »

Paris Saint-Germain : face au meilleur

Le 15 février 2022, le joueur de la Seleção est un patron de l’équipe. Titulaire indiscutable, il forme avec l’Autrichien David Alaba une charnière exemplaire. Dans LaLiga, il complète l’une des meilleures paires défensives du Royaume de la péninsule avec celle de Séville. Les deux formations sont les équipes du championnat avec le moins de buts encaissés. En Ligue des Champions, les hommes de Carlo Ancelotti n’encaissent qu’une seule fois plus de deux buts. Cette exception qui confirme la règle se réalise face au Sheriff Tiraspol à Bernabéu. Derrière une compétition nationale dominée, Karim Benzema et ses coéquipiers salivent à l’idée des confrontations européennes. Mais opposés au PSG, la douche est froide. Le manque d’ambition offensive pousse les Parisiens à produire leur meilleur football de la saison. Le summum de cette performance est atteint à l’aile gauche par l’intermédiaire de Kylian Mbappé. Mais le football est aussi capricieux que complexe et la domination n’est pas toujours concrétisée si les bonnes armes répondent dans la défense adverse.

Dans la double bataille face au PSG, Éder Militão a vécu un calvaire, mais pas une humiliation. Il avait pour mission de se confronter à celui qui pratiquait l’un des meilleurs jeux de la planète : Kylian Mbappé. Le Français a multiplié les assauts sur la muraille madridista. Mais, lui et ses 71 touches de balles n’ont rien amené de concret avant les dernières minutes. Dans ce match, le travail défensif du numéro 3 blanc a été d’une grande robustesse. Assailli sur son côté droit, il ne pouvait pas compter sur un Dani Carvajal dépassé par les événements. À l’aller, il gère les éclairs de l’ailier tricolore et de Nuno Mendes à lui seul. Il gagne la moitié de ses duels et performe avec la bagatelle de 3 dribbles, 3 tirs bloqués et 4 tacles complétés. Ce soir-là, son match se jouait plus sur l’omniprésence que sur le réalisme absolu. À chaque confrontation, il ralentissait le jeu parisien.

Au retour, il doit contenir, encore une fois, le Français. Cependant, le duel se fait désormais dans son dos. Kylian Mbappé cherche à prendre de vitesse le joueur. Sans grande surprise, il y arrive. Mais à chaque passe mal ajustée par-dessus le bloc madrilène, le Brésilien est là. D’autant plus, les hors-jeu se multiplient de son côté. Avec 100 % de duels aériens remportés et une couverture permanente de la profondeur, il protège les arrières du milieu Valverde, Kroos et Modrić. Il participe également à la relance des siens en tentant 7 ballons longs directement pour ses attaquants pour 3 passes complétées dans ce registre. Au travers de ces matchs, il n’a pas livré sa performance statistique la plus aboutie. Au-delà de ces derniers, il a montré que, même face à ce qui se fait de mieux, il était bel et bien l’homme sur qui Madrid peut compter.

Erwan Harzic