ADRIEN : Viens-tu d’un environnement où le football était très présent ?
KARMEN : Oui, mes grand-parents regardaient le foot, mais c’est surtout mon père, qui est espagnol et qui a grandi avec le foot espagnol, qui m’a mis dedans. Lui, il est supporter de Valence, depuis qu’il est tout petit, et il n’a toujours regardé que le foot espagnol. Il s’en fout de la Ligue 1 ou de la Premier League. En Ligue des champions, il ne regarde que les matchs des clubs espagnols, c’est la seule personne que je connaisse qui peut regarder sans problème un Gijon-Valladolid (rires).
A : Il y a lui et Stéphane Guy.
K : Exactement (rires). Du coup, l’environnement était quand même bien footballistique, vu qu’on a tous fait du foot, surtout moi et mon petit frère. Mon père nous emmenait souvent au stade. Ma mère a fait trois garçons, donc avec quatre mecs à la maison qui regardent du foot, elle s’est mise dedans aussi. Aujourd’hui, si je lui demande qui est le 9 de Valence, elle va me le dire (rires).
A : Quand a démarré ta passion pour le Real Madrid ?
K : Elle a démarré quand j’avais trois ou quatre ans, j’allais commencer le foot. Juste avant la rentrée, j’étais en vacances vers Alicante, où je partais tout le temps quand j’étais jeune. Mon père nous a demandé, à moi et à mon grand frère, de choisir un maillot parmi ceux en vente au marché, et moi, à mon âge, je n’y connaissais rien. Instinctivement, j’ai pris le maillot blanc, et mon frère a pris le rouge et bleu. Footballistiquement, nos deux chemins se sont séparés dès ce moment (rires).
A : Le choix s’est fait uniquement parce que le maillot était joli ?
K : Je sais même pas si je le trouvais joli, parce que j’avais quatre ans, je m’en foutais, en vrai. Je préférais même sûrement plus le rouge et bleu au niveau des couleurs, parce qu’il y a plus de détails, mais mon frère l’a pris en premier. Donc j’ai pris le maillot du Real, et il était floqué Roberto Carlos.
A : Tu as grandi à Grenoble, le Real y était-il très populaire à ton époque, sachant que Lyon n’est pas très loin et que l’OL avait beaucoup de succès ?
K : J’étais le seul de mes amis qui aimait le Real, c’était beaucoup moins commun que maintenant. Le foot était quand même beaucoup moins médiatisé. Tous mes amis étaient supporters de clubs de Ligue 1, et moi, je n’ai jamais regardé la Ligue 1. Même maintenant. Ce n’est pas que j’aime pas, mais c’est que… Des fois je dis : « Je n’aime pas le foot, j’aime le Real » (rires). Même si avec le temps, je me suis mis à regarder beaucoup la Premier League, je ne rate pas un match de Ligue des champions, même la Ligue Europa, je la regarde souvent. Je suis vraiment un fan de foot, mais je m’en fous des autres équipes, il y a des joueurs que j’aime bien ici et là, mais moi, il faut juste me parler du Real.
A : Quels étaient tes joueurs du Real préférés dans ton enfance ?
K : Moi, c’était Raúl, et Guti un peu après. Surtout Raúl, parce que quand je jouais au foot j’étais 9. Mon père aussi aimait trop Raúl. C’était l’icône du Real, c’était un Espagnol, au milieu des stars internationales, également le symbole de la Roja avant la génération qui a gagné des titres. Quand j’ai grandi un peu, c’était Guti, avant que Zidane n’arrive.

Karmen (© Play Two)
A : Enfant, t’es-tu rêvé footballeur professionnel avant de choisir la musique ?
K : La musique, c’est arrivé bien plus tard, à dix-huit ans, alors que le foot c’était là à six-sept ans. Je rêvais beaucoup plus de football, et aujourd’hui encore, ça me fait encore beaucoup plus rêver d’être footballeur que musicien, sûrement parce que je connais trop bien ce domaine aussi.
A : En 2018, dans Mariachi, tu disais « J’suis l’meilleur blanc du milieu comme Isco ». En quoi le profil du meneur espagnol te correspond-il ?
K : J’aime bien faire beaucoup de choses, et Isco, je le vois un peu comme ça, qui distribue à droite, à gauche, et moi, je fais un peu ça également. Je travaille avec plein d’artistes, j’écris et je topline, comme Isco qui fait des passes décisives, je suis un peu ce gars-là également. Après, je marque aussi des buts, mais… (rires).
A : Pourrais-tu consacrer un morceau entier à un joueur, et si oui, lequel ?
K : Non, franchement, je ne pourrais pas. Je ne saurais pas quoi dire, je serais même pas inspiré… Ça me ferait chier, en fait. Même si mon rappeur préféré faisait un morceau sur mon joueur préféré, je n’aimerais sûrement pas le son, ça ferait forcé. Par contre, des phases par-ci par-là, ça, ça me parle de ouf.
A : Est-ce que le football est un sujet de discussion régulier entre artistes ?
K : Moi, je parle plus de foot que de musique, je suis un bousillé. Je parle beaucoup de foot avec Mehdi Maïzi, et de vieux maillots surtout, avec mon manager également, même si lui est pour Manchester United. Avec PLK, on parle aussi pas mal de foot, mais lui, il est pro-PSG, et moi, je suis pro-Real, donc on n’est pas trop copains vers février-mars généralement (rires). On en parle, mais sans trop parler, il y a certains tabous. Mais en général, je parle beaucoup de foot avec presque tous les artistes.
A : Au moment de cette interview, nous sommes en pleine Coupe du monde de football féminine. Les rappeuses Juste Shani et Nayra ont respectivement sorti des hymnes pour soutenir l’équipe de France et celle du Maroc. Te verrais-tu en faire de même pour le Real ?
K : Je ne serais pas la bonne personne pour faire ça. Mais pourquoi pas avoir le prochain hymne du Real à la fin des matchs ou pour l’entrée des joueurs ? Après, ça reste quand même quelque chose de très éloigné de ce que je propose.
A : Comment le Real Madrid t’a-t-il contacté pour être l’égérie du maillot extérieur ?
K : En fait c’est une boîte de prod espagnole qui gère le shooting d’Adidas Espagne. Il s’avère que le photographe backstage, qui fait tous les making-of, c’est un Français. Il connaissait ma musique et mon amour pour le Real. Il m’a contacté, trois ou quatre jours avant le shooting, et m’a demandé si ça m’intéressait, et que si c’était le cas, il proposerait mon profil. J’étais pire que chaud, et quand ils m’ont recontacté, j’ai accepté direct.
A : Comment trouves-tu ce maillot extérieur par rapport à ceux des saisons précédentes ?
K : J’aime beaucoup ce maillot, après, peut-être que le fait que j’en sois l’égérie joue dans mon appréciation. Après, j’ai aussi vu le troisième maillot, qui n’est pas encore sorti, et pour moi, il tue tout.
A : Pour un artiste comme toi qui met souvent en avant le football et la mode comme tes deux principales passions, est-ce une forme d’aboutissement ?
K : Totalement. Je te promets que c’est vrai, mais ça me fait plus plaisir qu’un disque de diamant. Les gens vont me prendre pour un ouf, mais ça c’est pas mon travail, c’est la satisfaction personnelle d’accomplir un rêve de gosse. Je suis rentré dans Valdebebas, ce n’est pas tout le monde qui rentre là-bas, c’est interdit aux journalistes. J’ai eu la chance, via mon travail, et par tout le travail que j’ai accompli au fil des années, de pouvoir travailler avec les gens que j’admire le plus, c’est la plus belle des récompenses. Quand je suis allé voir mon père pour lui annoncer que j’étais pris pour le shooting, j’ai cru qu’il allait pleurer. Il n’y croyait pas, parce que c’est un truc de ouf.

Karmen (© Play Two)
A : Si tu devais floquer ce maillot cette saison, quel nom mettrais-tu dessus ?
K : Je vais prendre les trois maillots. Mon choix est déjà fait. Sur le blanc, je floque Bellingham 5, sur le bleu, je floque Vinicius 7, et sur le troisième, je floque Rodrygo 11. D’habitude, j’aime bien floquer des joueurs un peu moins connus, moins exposés, mais je me suis rendu compte que tellement je fais ça, je ne sais même pas si j’ai un maillot de KB9. Je floque toujours des milieux de terrain, même des Marcelo, pas les joueurs que tu retrouves le plus. Là je me suis dit : « Il me faut au moins un maillot de Vini ». Le Bellingham, il a trop de flow, avec le 5 de Zidane. Et Rodrygo c’est peut-être mon joueur préféré au Real, je ne sais pas pourquoi, j’ai une attache particulière avec lui.
A : En douze saisons, tu n’as jamais floqué Benzema, maintenant, ce n’est plus possible…
K : J’en ai eu un, mais c’était un faux maillot, et le flocage est parti (rires).
A : Tu n’as jamais caché ton admiration pour Karim Benzema. Comment as-tu réagi à son départ inattendu pour Al-Ittihad ?
K : J’ai cru que j’allais chialer, mais en même temps, j’étais content pour lui, parce que c’est la suite logique des choses. Il a déjà fait une très belle carrière, il part au bon moment. C’est intelligent de partir à ce moment-là, après avoir tout gagné. Si ça s’était mieux passé avec l’équipe de France, qu’il avait pu jouer la Coupe du monde, il serait encore en Bleus, et serait sûrement resté au Real. Mais je pense qu’il a pris la bonne décision, qu’il prenne son argent, il nous a trop fait rêver, maintenant, il peut se mettre bien.
A : Est-ce que tu vas prendre un maillot d’Al-Ittihad ?
K : Non, jamais. Moi, je suis Real à fond. Tu pars là-bas, je te valide, mais je ne vais pas là-bas avec toi (rires).
A : Que penses-tu du mercato estival du Real ?
K : Ouais, je suis super satisfait pour l’instant. Fran García c’est un bon recrutement, parce qu’à gauche Mendy c’est bien mais… Les latéraux, je pense que c’est le gros problème du Real. Bon, il y a Alaba qui peut jouer à gauche, j’aime bien, mais il fallait un petit plus. Si j’avais pu choisir, si j’avais un budget illimité, j’aurais pris Alphonso Davies, je l’aime beaucoup. Mais, Fran García peut devenir un grand joueur, s’il se tue au Real. C’est un recrutement intelligent. En plus de ça, on a Bellingham, je le kiffe depuis plusieurs saisons. Pour moi, c’est le meilleur jeune de sa génération, même s’il y a aussi des Musiala qui sont très forts. Pour moi, c’est lui qui pourra aller le plus loin.
Tu sens qu’il aime Zidane, c’est un vrai 8, limite, il peut jouer 10. J’aime trop ce genre de joueurs, et je trouve que le poste de vrai numéro 10 est un peu en perdition. Il y a aussi Arda Güler, je ne vais pas faire l’acteur, je ne le connaissais pas, je ne regarde pas le championnat turc. Je connaissais juste de nom parce que je joue à FM (Football Manager, ndlr), mais je ne l’ai jamais vu jouer. J’entends dire autour de moi que c’est un crack atomique, j’entends comment Özil parle de lui, comment Modrić parle de lui… J’attends impatiamment de voir. Il y a aussi le retour de Brahim Díaz, je ne sais pas trop quoi en penser, parce qu’il était pas mal les deux dernières saisons à Milan, mais est-ce que c’est niveau Real Madrid ? Il va falloir passer un autre cap, peut-être qu’il va le faire, mais on verra. Sinon il y a Joselu, mais je pense que lui-même ne se considère pas comme un titulaire.
A : La principale attraction de ce mercato est le dossier Kylian Mbappé, qui dure depuis des mois et des mois. Quel est ton avis sur ce sujet ?
K : Oh il nous fait chier, il nous casse les couilles, il nous rend fou Mbappé. Autant du côté Real que du côté PSG, il fait chier tout le monde, ça y est, qu’il prenne sa décision, qu’il vienne, qu’il ne vienne pas… Moi, si tu me laisses le choix du joueur que je veux, je préfère Haaland. Il nous faut un vrai 9, tueur devant, et qui va être épaulé par Rodrygo, Vinicius et Bellingham. Si tu arrives à avoir un vrai 9, autour duquel les trois joueurs tournent et sont à son service, pour qu’il n’ait plus qu’à marquer, ça serait un truc de malade. Mbappé est très bon, mais il a déjà fait des phases où il n’aimait pas trop jouer 9. Est-ce qu’il va accepter son poste, sachant qu’à gauche c’est mort vu qu’il y a Vini ? J’espère juste qu’il ne va pas trop faire le capricieux, je n’aime pas ça, et je n’aime pas les joueurs problématiques. Lui, tu sens qu’il peut l’être. Après, peut-être que s’il vient à Madrid, il va fermer sa gueule et travailler, et c’est tout ce que je lui souhaite.
A : Il n’y a que dans tes sons que tu acceptes que les gens fassent des caprices. Si tu pouvais te permettre un seul caprice, avec budget illimité, pour faire signer n’importe quel joueur actuel au Real Madrid, lequel serait-ce ?
K : On a parlé d’Haaland tout à l’heure, donc ça serait lui, sinon, si ça devait être un joueur à un autre poste, on pourrait choisir des joueurs de fou, mais selon la nécessité du Real, j’aurais signé Reece James pour jouer à la place de Carvajal. C’est pareil que Fran García, c’est un mec, qui, même si défensivement, il n’est pas incroyable, c’est plus un piston, un latéral de 3-5-2, il apporte beaucoup offensivement. Le poto, si tu lui fais travailler un peu la défense, il peut être vraiment costaud et s’intégrer au jeu du Real, parce que le jeu est offensif et les latéraux sont hyper importants. À l’époque de Carvajal prime et Marcelo prime, on était trop forts et trop performants sur les centres. Je pense que Reece James serait la recrue idéale.
A : Quelles sont tes espérances pour la saison à venir du Real Madrid ?
K : Moi, je suis à fond derrière, donc je veux la Ligue des champions. Mais le championnat, il faut le gagner, on l’a laissé au Barça cette année. La Ligue des champions, si on peut au moins aller en finale, c’est bien, sachant que si on est en finale, on ne la perdra pas, parce qu’on est le Real Madrid. En vrai, il n’y a pas une saison où on espère au moins faire le doublé. Et c’est fou, mais à Madrid, tellement on a mis la barre haut les dernières années, si tu fais que la Ligue des champions, ce n’est pas une grande saison. C’est fou, mais c’est réel. Après, sans 9, c’est compliqué. Pour moi, la saison se joue maintenant, si on arrive à prendre Mbappé ou pas.
Adrien Cornillot-Appavou