Lorsqu’il est sorti du terrain à la 73e minute, ce dimanche lors de la réception du Celta Vigo, son sort n’a pas ému grand monde au Bernabéu. Après tout, difficile de reprocher quoi que ce soit à Rodrygo. L’étoile brésilienne essaie tant bien que mal de faire des différences sur son côté. Il multiplie les courses, réquisitionne le ballon, tente quelques rares gestes techniques. Le tout avec classe mais sans fracas. Là réside la plus grande inconnue pour le joueur formé à Santos : comment parvenir à exister dans une équipe où brillent un compatriote superstar et un Britannique déjà entièrement acclimaté à la météo madrilène ?
La relative indifférence qui entoure son cas depuis quelques mois renvoie à la caractéristique principale de son jeu : la sobriété. A trop vouloir tempérer ses prises de risque, l’ailier sombre dans la discrétion. Si le Brésilien n’a jamais cherché à prendre toute la lumière, il est aujourd’hui insuffisamment performant pour coiffer les offensives du Real Madrid. Dans l’ombre de l’inclassable Vinicius Jr, Rodrygo se sent-il menacé à moyen terme avec la venue quasi certaine de Kylian Mbappé ?
Sur le flanc droit de l’attaque madridista, il n’y a pourtant pas foule. Peu nombreux sur la ligne de départ, les prétendants ne se bousculent pas pour éjecter Rodrygo de son statut de titulaire. Brahim Díaz, en verve cette saison, préfère partir d’une position plus reculée sur le pré. De là à donner un blanc-seing au Brésilien pour occuper ce poste d’attaquant droit ? Même le principal concerné semble aujourd’hui avoir des doutes sur la viabilité d’un tel projet.
Un poste loin d’être idéal
L’entourage de Rodrygo a récemment justifié la méforme du Brésilien par sa position désaxée sur le terrain, alors que son naturel penche plutôt pour le côté gauche, a-t-on appris auprès du très sérieux média britannique The Athletic. Cette adaptation aurait été décidée «pour le bénéfice de l’équipe, ce qui a été préjudiciable pour ses réalisations».
«Peu importe ce que disent les statistiques, il apparaît toujours lors des matchs à fort enjeu», confie encore son clan.
S’il est légitime que sa garde rapprochée veuille anticiper la foudre médiatique, et ainsi protéger leur joyau des critiques des observateurs, utiliser un tel argument a de quoi faire sourire. Il est curieux de mettre en relief le poste de Rodrygo sur la pelouse alors que celui-ci a toujours été le même depuis son arrivée en 2019.
On imagine mal son agent, au moment des pourparlers autour de sa prolongation de contrat jusqu’en 2028, négocier une place de choix dans l’effectif madrilène sans se soucier du bien-être de son protégé. Soit le Paulista de naissance a définitivement tiré un trait sur son espoir de jouer sur le front gauche de l’attaque, soit le club lui a fait une promesse qu’il n’est pas en mesure de pouvoir tenir. Dans les deux cas, la frustration guette le numéro 11 de la Casa Blanca.
L’évolution ou la sanction
«Pour retrouver son meilleur niveau, l’ailier de 23 ans ne doit surtout pas tomber dans le piège du reniement. Rodrygo n’est pas Vinicius et le Real n’aspire pas à posséder un duplicata du magicien de Flamengo», écrivions-nous dans ces colonnes au mois de novembre dernier. Aujourd’hui, il y a urgence à ce que Rodrygo puise dans ses réserves pour devenir un autre soi-même plutôt qu’une pâle copie de son (faux) pendant à gauche.
Une équipe de football se construit par un maillage d’individualités complémentaires. A l’heure où un début de crise d’identité semble poindre, le jeune Paulista devrait méditer cet adage du ballon rond. Son évolution passe d’abord par une simplification de ses gestes devant la cage, de façon à regagner la confiance qui l’animait lorsqu’il demeurait un remplaçant décisif.
Rodrygo a aussi vocation à davantage dézoner pour apporter du nombre dans l’axe de la surface adverse. Cette donnée manque cruellement au jeu offensif du Real dépourvu de numéro 9 cette saison. Un creux séduisant à combler car, en l’absence de Joselu, il est celui qui dispose du meilleur jeu de tête. Instinct, détermination, quête de maturité : le surdoué de Santos tient dans sa manche l’ensemble des éléments pour redevenir le détonateur de la Maison Blanche. En restant à la merci du choix tactique de Carlo Ancelotti l’an prochain.
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