Vinicius Júnior aime le Real Madrid. Le madridisme adore Vinicius Júnior. Le Brésilien, auteur de deux buts en deux finales de Ligue des champions, est d’ores et déjà une légende du Real Madrid.
Nonobstant, ses récentes déclarations dans une interview sur CNN ont suscité la réprobation de nombreuses personnes, dont José Luis Martinez-Almeida, le maire de Madrid, ainsi que celle de Dani Carvajal, son coéquipier. Dans l’entretien en question, Vinicius Júnior a affirmé que :
« J’espère que l’Espagne peut évoluer d’ici 2030 et comprendre la gravité du fait d’insulter quelqu’un à cause de la couleur de sa peau. Si les choses n’évoluent pas, je crois que la Coupe du monde devrait changer d’endroit car si un joueur ne se sent pas à son aise et en confiance de jouer dans un pays car il est susceptible d’y subir du racisme, c’est un peu compliqué. Mais je veux tout faire pour que les choses changent parce qu’il y a beaucoup de personnes en Espagne ou même la majorité qui ne sont pas racistes mais un petit groupe porte préjudice à l’image d’un pays dans lequel il fait tellement bon vivre. »
Dans un contexte au sein duquel la désignation du Santiago Bernabéu comme stade accueillant la finale du Mondial 2030 est tout sauf garantie, les mots de Vinicius Júnior ont provoqué des remous. Cependant, l’ampleur des réactions qu’ils suscitent nous paraît disproportionnée.
Même si, selon toute vraisemblance, il l’ignorait au moment de son interview, l’assertion de Vinicius Júnior est dans la lignée des exigences de Sport & Rights Alliance envers la FIFA par rapport à la désignation des pays organisateurs de la Coupe du monde.
Sport & Rights Alliance est une coalition d’ONG et de syndicats qui collaborent pour que les droits de l’homme et la lutte contre la corruption soient intégrés dans l’ensemble du sport mondial. Parmi les organisations membres de la coalition figurent notamment Amnesty International, Human Rights Watch, Football Supporters Europe et Transparency International.
Vinicius Júnior mentionné par le rapport d’Amnesty International
Le 5 juin dernier, Amnesty International a publié un rapport qui rassemble des analyses issues d’organisations membres de la coalition Sport & Rights Alliance ainsi que d’experts des Nations unies, d’organes chargés de veiller à l’application des traités, de données gouvernementales et d’articles de presse. Le rapport en question met en exergue les risques liés à l’accueil des deux éditions 2030 et 2034 de la Coupe du monde et évalue les risques pour les droits fondamentaux que comportent les différentes candidatures.
Dans la section « discrimination » des risques associés à la Coupe du monde 2030, le rapport souligne que le championnat espagnol continue d’être entaché d’actes racistes. Il mentionne également Vinicius Júnior et indique qu’il déplore le fait que « comme [les racistes] ne sont pas punis, ils sont de plus en plus forts. » Une synthèse de ce document a été transmise à la FIFA, aux associations de football nationales et aux autorités gouvernementales des pays candidats.
Le rapport recommande à la FIFA de réaliser des évaluations véritablement indépendantes des risques liés aux droits fondamentaux pour chacune des candidatures et d’obtenir des pays hôtes qu’ils prennent des engagements contraignants afin de prévenir les violations des droits humains et qu’ils se dotent de systèmes de suivi et de mise en œuvre rigoureux, y compris de mécanismes de plainte et de réparation effective.
Il est enjoint à la FIFA de ne pas sélectionner une candidature qui ne garantirait pas le respect des droits humains et de mettre fin à tout accord concernant l’accueil du tournoi si les droits fondamentaux sont compromis ou bafoués. Depuis 2015, la FIFA reconnaît qu’il lui incombe de prévenir, de gérer et de réparer tout impact négatif sur les droits humains qui serait lié à ses activités ou en découlerait directement, conformément aux Principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme.
Elle a ainsi progressivement opérationnalisé ces Principes sous la forme d’une série de politiques, y compris par l’intermédiaire des exigences en matière de droits fondamentaux qui ont été instaurées lors du processus de candidature à l’accueil de la Coupe du monde 2026. Comme elle l’avait fait pour l’édition 2026, la FIFA a inclus des normes relatives aux droits humains dans les critères de candidature aux tournois de 2030 et 2034.
- À lire également : Vinicius Júnior : le maire de Madrid exige des excuses après ses propos sur le racisme
Les plan relatifs aux droits fondamentaux de la candidature du Mondial 2030 ne donnent pas satisfaction
En juillet 2024, outre leur dossier de candidature, les pays souhaitant accueillir la compétition devaient présenter une stratégie en matière de droits humains indiquant comment ils prévoient de gérer les risques dans ce domaine. Il fallait que la stratégie démontre que la candidature soit en accord avec tout un éventail de normes établies par les Nations unies et la FIFA sur les droits du travail, la non-discrimination, la liberté d’expression et le maintien de l’ordre, entre autres.
La réglementation de la FIFA applicable aux candidatures dispose clairement qu’il s’agit d’«obligations absolument contraignantes» qui pourraient conduire la FIFA à ne pas sélectionner un candidat ou à révoquer les droits d’accueil, en cas de non-respect.
Le 5 août dernier, Amnesty International a publié un article dans lequel elle commente les dossiers de candidature ainsi que des plans relatifs aux droits humains qui ont été publiés le 31 juillet 2024. Il ressort de leur l’analyse qu’ils estiment qu’il subsiste des lacunes importantes dans les plans de la Coupe du monde 2030.
En conséquence, après une analyse approfondie, l’on remarque que la réflexion de Vinicius Júnior est similaire à celles des organisations de défenses des droits fondamentaux. Andrea Florence, directrice de Sport & Rights Alliance, a même déclaré : « Avant d’attribuer l’organisation d’un quelconque tournoi, la FIFA doit passer des accords contraignants en matière de droits humains qui protègent pleinement les travailleuses et travailleurs, les populations locales, les joueurs et les fans, y compris contre les atteintes et la discrimination visant des minorités raciales ou religieuses. »
Le combat de Vinicius Júnior contre le racisme va se poursuivre. Même si la Fédération espagnole de football entrave cette lutte, le Brésilien sait qu’il peut compter sur la justice étatique espagnole pour condamner les actes de discrimination raciale dans les stades de football.
Il est compréhensible que sa sortie ait provoqué de l’indignation auprès de citoyens espagnols qui tiennent ardemment à l’organisation de cette compétition prestigieuse dans leur pays. Toutefois, ils seraient avisés de ne pas perdre de vue que Vinicius Júnior est également un citoyen espagnol et qu’il possède donc autant de légitimité pour s’exprimer sur le sujet.
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