Interview exclusive – Martín Vázquez, une carrière faite de coïncidences

par | 18/02/2022 - 20:02 | 0 commentaires

Martín Vázquez a ouvert ses portes au Journal du Real. La "Technique de la Quinta", d'après le realmadrid.com.

Il n’est pas fan des comparaisons, mais à la question de savoir à quel joueur actuel Rafael Martín Vázquez ressemble, l’ancien milieu du Real Madrid n’a pas hésité : « Je vois un peu de mon jeu dans celui de Luka Modrić« .  Oui, Martín Vázquez était le cerveau technique de la Quinta del Buitre, rien que ça. « Un orgueil » pour lui. Cette légende madridista, qui a accepté chaleureusement notre interview, a remporté avec le club madrilène 2 Coupe de l’UEFA, 6 Ligas, Copas del Rey, 3 Supercopas de España et 1 Copa de la Liga en 341 matchs. À l’écouter, ce palmarès est le reflet d’un concours de circonstances car, pour lui, sa carrière de footballeur, depuis son arrivée dans les catégories inférieures du Real Madrid jusqu’à sa retraite en 1995, est une « coïncidence de la vie« .

Sauf que la vie a créé Rafael Martín Vázquez, un joueur à part qui a sublimé le Real Madrid dans les années 80 et 90. Un génie avec un talent pur, ambidextre, qui est devenu l’un des meilleurs milieux offensifs de l’histoire du football. Forcément, pour lui, la première coïncidence de sa carrière fut sa rencontre avec José Luis Laborda, à la fois entraîneur des Infantil de la Fábrica et de la sélection castillane U13. À ce moment-là, le jeune Rafael y est sélectionné alors qu’il défend les couleurs de Los Escolapios.

« Il y a eu la coïncidence qu’il y ait le championnat d’Espagne des sélections régionales. La sélection castillane était entrainée par Laborda et il décide de me sélectionner. C’est là qu’il m’a connu et il a eu un bon œil puisque j’ai intégré le Real Madrid, j’ai progressé et, au final, j’ai joué en équipe première. Les entraîneurs que l’ont rencontre durant notre formation sont importants à notre bon développement. J’ai eu la chance de le rencontrer, il m’a beaucoup appris et je le remercie. C’est lui qui m’a donné l’opportunité de réaliser ce rêve de jouer au Real Madrid » nous confie-t-il.

Ses années à La Fábrica

Martín Vázquez a eu la chance, selon lui, de rencontrer les meilleurs éducateurs possibles tout au long de sa formation au Real Madrid : « Tout le monde a besoin du soutien de personnes dans sa vie, et c’est valable pour n’importe quel domaine. J’ai eu Toni Grande au Juvenil A, puis au Castilla, Amancio, et, bien entendu, Alfredo Di Stéfano pour me faire monter en équipe première. Au final, c’est une chance qu’ils croient en toi. Après, à toi de répondre à leurs attentes. »

Comme tout jeune qui intègre le centre de formation du Real Madrid, Martín Vázquez en est sorti en tant qu’homme. Le club a pour coutume d’enseigner à ses joueurs la discipline, l’humilité, l’éducation, le sacrifice et l’esprit d’équipe. « On ne te l’impose pas, tu le vois de tes propres yeux. Tout le temps. Le respect envers le coach, par exemple. Puis, surtout, on te guide vers le bon chemin au niveau sportif et humain. Le but est de former des personnes pour qu’ils puissent se développer positivement et qu’ils soient les meilleures possibles durant leur vie » nous explique-t-il.

Et, encore une fois, une circonstance de la vie lors de sa première année avec le Real Madrid Castilla a permis au milieu de terrain espagnol d’arriver en équipe première. « Lors de ma dernière saison avec le Juvenil, Amancio m’appelle pour faire la pré-saison avec le Castilla. Forcément, tu m’imagines rempli d’émotions On part donc à la Cabeza de Manzaneda et c’est une pré-saison, comme à son habitude à cette époque, dure avec trois entraînements par jour, nous raconte-t-il. Et là, je me blesse a la cheville et le Mister veut que je rentre à Madrid. Mais le kiné insiste pour que je reste car il pense pouvoir me soigner, et c’est ce qui s’est passé. Au bout de trois jours, j’ai pu m’entrainer et prouver que j’avais ma place avec le Castilla malgré mon année de différence. »

Son arrivée en équipe première

« Je suis donc resté au Castilla j’étais titulaire les 4-5 mois avant de monter en équipe première. Nous avions une equipe fantastique : Manolo Sanchís, Pardeza, Emilio Butragueño, Michel, pleins d’autres. On développait un football incroyable. Je me rappelle que l’on élimine le Betis et Valence en Copa del Rey. L’équipe jouait vraiment bien au football », nous raconte Martín Vázquez.

De la main d’Alfredo Di Stéfano, le plus grand joueur de l’histoire de ce club, cette génération dorée arrive en équipe première grâce à son talent. Notre interviewé nous répondrait que c’est un concours de circonstances, peut-être, mais les faits sont là. La Saeta Rubia comptait sur un effectif solide et n’avais pas plus que ça besoin de faire monter des jeunes. Cependant, les bons résultats de l’équipe réserve en Deuxième Division et en Copa font que Di Stéfano décide de donner une chance à cette génération de canteranos hors du commun et qui deviendra la plus importante de l’histoire du Real Madrid. Une coïncidence que le plus grand joueur de ce club permettent cela à la plus grande génération de celui-ci, si tu veux Rafael…

« Des circonstances, encore une fois. La situation du pays, après la mort de Franco, c’était un autre type de politique, une nouvelle société, la Movida Madrileña comme on dit. Peut-être que cela a permis de prendre le risque de faire monter cinq jeunes fantastiques et de les mélanger avec des joueurs d’expérience fabuleux. Au final, ça a créé un sacré melting-pot ! Ça coincide aussi avec la fameuse époque des Remontadas, la peur de l’atmosphère du Bernabéu, les supporters aimaient voir ce Real Madrid. Il y a eu aussi le fait que le club perde la finale contre Liverpool et les supporters aient perdus espoir. Et enfin, la personnalité d’Alfredo pour assumer ces choix« , avoue-t-il.

La génération des Remontadas

Cette légende a débuté en octobre 1975, lors des huitième de finale de la Coupe d’Europe, face au Derby County (défaite 4-1 en Angleterre), avant d’atteindre son summum dans les années 80 avec la Quinta del Buitre. Rijeka, Anderlecht, l’Inter, le Borussia Mönchengladbach ou encore l’Étoile Rouge, voici les équipes qui ont subi ces fameuses Remontadas en Coupe de l’UEFA. « Encore des circonstances. Cela ne s’est pas reproduit dans l’histoire du Real Madrid, le fait que pendant deux saisons, nous ayons eu tous les matchs à jouer en premier lieu à l’extérieur puis ensuite à domicile. Puis aussi le fait qu’il y ait une différence d’image du groupe chez l’adversaire et à la maison. Puis l’effectif avait beaucoup de personnalité, quelque chose qui manque aujourd’hui dans le football actuel. Tout est étudié et previsible maintenant. Avant tu sortais dans le but de mourir sur le vert« , nous exprime Martín Vázquez.

Malheureusement, ce Real Madrid tant légendaire ne réussira pas à soulever la Coupe d’Europe malgré plusieurs tentatives. Les demies face au PSV Eindhoven de 1988 reste encore en travers de la gorge de cette génération et, pour Martín Vázquez, les seules explications sont les circonstances de la vie. Et quand on l’écoute, il n’a pas vraiment tord.

« Dans la vie, ce n’est pas toujours celui qui le mérite le plus qui gagne. Certains, pour arriver à un objectif, ils essayent pendant dix ans. D’autres, en une tentative c’est réussie et ce n’est pour autant qu’ils ont été meilleurs à ce moment-là. La vie est remplie de circonstances, nous confie-t-il et ajoute, je pense que nous avions tout pour la remporter. Mais, malheureusement, le tirage d’un rival ou un autre change la donne. Je te donne un exemple, qui aurait cru que Fernando Alonso ne remporterait plus de championnat du monde après en avoir gagné deux de suite ? Et regarde, nous, le club a attendu 32 ans avant de soulever la Séptima et après, en peu de temps, treize titres. Puis, il faut dire que le format n’est pas le même. À notre époque, tu devais finir premier de la Liga puis ensuite jouer contre les premiers de chaque championnat d’Europe en aller-retour. Mais malgré tout, on est resté dans les mémoires. La Quinta del Buitre est bon souvenir pour les supporters. »

Son départ au Torino puis à l’OM

Beaucoup de supporters madridistas continuent à ne pas comprendre pourquoi Rafael Martín Vázquez n’a pas prolongé son contrat en 1990. Voici son explication : « Lors d’une réunion pour ma prolongation, le président Ramón Mendoza, mon père et moi-même étions d’accord pour une prolongation de trois ans. Et là, une personne a appelé le président. Il est sorti de la salle et cinq minutes plus tard, tout se qu’on avait accordé n’était plus valable. Comme si on lui avait lavé le cerveau. Il a dit des mots durs pour un madridista comme moi. Je ne sais pas ce qu’on lui a dit, je ne sais pas qui lui a parlé, mais j’ai compris que je ne pouvais pas rester au Real Madrid. »

Martín Vázquez s’envole alors pour la Serie A, du côté du Torino, puis à Marseille où il jouera à l’OM seulement deux mois alors que le président Tapie fait tout pendant l’été pour l’acheter. Une histoire rocambolesque. « J’ai été menacé par le président Tapie de partir. On me trouvait des excuses pour que je parte. Je n’ai pas compris pourquoi, alors qu’il avait tout fait pour m’acheter à Torino. Il ont décidé de se séparer de moi au bout de 2 mois de compétition » nous confie-t-il, puis conclue, je n’ai jamais présumé d’avoir gagné la Ligue des Champions avec l’OM, mais en vérité, je suis champion d’Europe puisque j’ai joué des matchs européens avec eux. »

La dernière étape dans le club de son coeur

Martín Vázquez revient alors au Real Madrid, le club de sa vie. Deux événements marquent la deuxième étape du milieu espagnol : le match à Tenerife lors de la dernière journée de Liga 92-93 et le titre de champion d’Espagne en 1995.

Pour le premier fait, le Real Madrid venait de remporter la demie de Copa del Rey au Camp Nou et le club avait organisé le voyage pour Tenerife dans la foulée. Et forcément, « des nouvelles circonstances » : « On joue le dernier match de Liga à Tenerife. Le club organise le voyage, exceptionnellement, en deux vols différents depuis Barcelone, de 15 personnes chacun. J’étais dans le premier avion. Mais voilà, le deuxième vol avait un problème de clim. Il décole et 30 minutes plus tard, ils sont obligés de redescendre pour régler le problème. Le premier vol est arrivé pour dîner, l’autre à 1h du matin… Et le lendemain, on jouait à 5h de l’après-midi sous la chaleur de là-bas ! Après, c’est vrai, il y a des choses inexplicables qui se sont passés pendant le match. Mais je retiens qu’on a gagné la Copa del Rey cette année-là. »

Et, pour sa dernière saison en 1995, Martín Vázquez remporte la Liga sous les ordres de Valdano : « On déployait du beau jeu. Redondo était arrivé, Laudrup aussi. Quique Sánchez Flores également. C’est l’année où le coach met au placard Zamorano et Amavisca puis, au final, ils sont importants. Et c’est surtout la première année de Raúl. C’était une très bonne saison et j’en ai que des bons souvenirs. »

Malgré les circonstances de la vie, comme nous l’a expliqué Rafael Martín Vázquez, cet homme est devenu une légende du plus grand club du monde. Reconnu à tout jamais pour sa technique exquise balle au pied. En attendant, l’Espagnol avoue, pour conclure, que Kylian Mbappé a tout pour devenir un futur grand joueur du club s’il signe : « C’est un joueur avec beaucoup de futur. Il a de la personnalité et on peut attendre à ce qu’il soit le prochain ballon d’or. »

 

Pablo Gallego

 

 

Home
Chrono