Chapitre 8 : Christian Karembeu, l’infatigable Kanak de la Séptima

Retrouvez notre série consacrée aux « Français et le Real Madrid ». Après Lucien Muller, place aujourd'hui au huitième avec Christian Karembeu.

Karembeu

Christian Lali Kake Karembeu est né le 3 décembre 1970 à Lifou en Nouvelle-Calédonie. Il pose ses valises sur le bord du Manzanares à 28 ans. Il pouvait évoluer à tous les postes du milieu de terrain, mais aussi en tant que latéral et en défenseur central à de plus rares occasions. Déjà expérimenté, il arrive à Madrid suite à un accord plus que mouvementé. Sa biographie madridista officielle le dit, l’Océanien « est arrivé au mercato d’hiver lors de la saison 1997/98, lors de l’un des transferts les plus compliqués du club. »

Et pour cause, le joueur avait été repéré par les géants du fútbol espagnol durant son passage en Italie. Meneur des Canaris du FC Nantes, il y reste de 1990 à 1995 avant de traverser les Alpes et d’arriver à l’Unione Calcio Sampdoria. Il éblouit le pays latin par sa combativité et son omniprésence sur le rectangle vert. Deux formations ibériques se positionnent alors pour le faire venir : le FC Barcelone et le Real Madrid. Problème, l’écurie italienne veut le faire retomber du côté de la Catalogne. Le milieu de terrain, lui, veut s’éduquer aux joies de la capitale espagnole. En plein litige avec son club, il sera mis sur le carreau et isolé du groupe gênois. Après 6 mois, le club cède au joueur et lui permet d’intégrer l’effectif de Los Reyes de Europa.

Une arrivée aussi attendue que laborieuse

En décembre 1997, le joueur s’adjuge un contrat au Real Madrid. Lorsque l’ancien Nantais y signe, il semble vivre une véritable idylle avec l’écusson couronné. Auprès du journal Le Monde, il déclare ceci en janvier 1998 : « Je pensais naïvement que la passion pour le football en Italie était unique. Depuis mon arrivée à Madrid, je réalise qu’elle est encore plus forte autour du Real. Ce club est mythique, il m’a toujours fait rêver et lorsque les dirigeants madrilènes m’ont contacté pendant l’Euro 96, je leur ai clairement fait savoir que lorsque je quitterai la Sampdoria, ce serait pour jouer au Real et nulle part ailleurs… »

Pour l’équivalent de 3 millions €, il arrive afin de densifier un milieu déjà bien garni. Clarence Seedorf et Fernando Redondo l’accompagneront dans un 4-3-3 All Star qui mélange joueurs formés au club et superstar dépêché des quatre coins de l’Europe. Le manager Jupp Heynckes l’accueille à bras ouvert au club. Pour le mettre dans les meilleures dispositions, il ne souhaite pas presser le joueur. Comprenant l’importance d’une réathlétisation après plusieurs mois sur le banc, il déclare « Karembeu n’a pas joué depuis six mois. Il aurait été stupide de ma part de le titulariser. Il faut lui laisser le temps de s’habituer à ses nouveaux coéquipiers, à ce club, à cette ville. » Cette justification survient après que les Madridistas aient disputé un derby face à l’Atlético Madrid sans leur recrue phare de l’hiver. Ce dernier s’est conclu sur le score nul d’un partout.

À son arrivée dans la capitale espagnole, le joueur s’attire les foudres de l’hexagone. Dans une interview accordée au quotidien ABC, le numéro 22 confie : « Je ne me suis jamais senti français. Je sais d’où je viens, où je suis né. Je suis de Nouvelle-Calédonie. » À travers cette déclaration, il soutient ouvertement l’indépendance de la Nouvelle-Calédonie et du peuple kanak dont-il fait partie. Déjà aguerri de 28 caps, il déclare que la sélection tricolore est seulement « une vitrine » lui permettant de mettre en valeur les difficultés rencontrées par « son pays. » Si la FFF se déclare attristé par cette déclaration, le sélectionneur des Bleus, Aimé Jacquet, veut régler l’affaire en « tête-à-tête avec le joueur » et non devant les médias.

Des premiers mois marqués par le succès

Mais pas de doute à avoir, le joueur aura tout le temps de s’épanouir sur la suite de la saison. Si les jours heureux n’arrivent pas en Liga (le Real finit quatrième de l’exercice 97/98), les grandes gloires prennent forme en Coupe d’Europe. Devenu rapidement un indiscutable dans le XI de départ, Karembeu inscrit à plusieurs reprises des buts déterminants au niveau continental. S’il n’a jamais eu l’âme d’un tueur devant les cages, il délivrera les siens à l’aller et au retour en quart de finale face au Bayer Leverkusen. Il récidive face au Borussia Dortmund en demi en inscrivant le second but du match aller sur un service de Morientes, autre buteur de la rencontre.

Le 20 mai 1998, il soulève la Ligue des Champions avec ses coéquipiers. Il grave la Séptima dans le palmarès nacré du club, la première C1 depuis 1966 pour les hommes de la capitale espagnole. Pour ses six premiers mois sous la tunique blanche, tout semble se dérouler à merveille pour le Kanak. Remarquable à chaque grand rendez-vous, il est de l’aventure des Bleus au Mondial 1998. Couronné d’une première étoile, les Bleus font chavirer la France du football et plus encore. Le milieu de terrain, lui, s’impose au fur et à mesure de la compétition comme un titulaire. Infatigable, le madridista glane le corner qui amène au premier but de Zinédine Zidane. Couronné des plus beaux trophées en club et en sélection, le contraste entre les premiers et derniers mois de la saison 1997/1998 de Christian Karembeu paraît aussi improbable que magique.

Une suite et fin qui tourne à l’indifférence

Après ces semaines fortes en intensité, la carrière du joueur prend une tournure bien plus terne. Handicapé par une blessure récurrente à la cheville, il apparaît de moins en moins souvent sous le maillot blanc. En 1998/1999, il dispute plus de matchs que sur sa première demi-saison madridistas pour presque autant de minutes jouées. En effet, il a perdu son rôle de titulaire indiscutable donné par son ancien entraîneur. Jupp Heynckes ne reste pas au Real Madrid au-delà de l’été 1998. Ce dernier est remplacé par l’espagnol Vicente Del Bosque qui a tout de même la volonté de relancer le joueur. En atteste les 10 matchs consécutifs en LaLiga confiés au champion du monde entre janvier et avril 1999, une série qui correspond à plus de 50% de son temps de jeu total en championnat cette saison. Cependant, la belle dynamique est courte. Le mediocampista est de nouveau indisponible durant un mois. Les quelques dernières rencontres qu’il dispute en fin de saison seront anecdotiques et le Real Madrid conclut l’exercice par une saison blanche.

La saison suivante, baroud d’honneur du joueur sous l’écusson royal, ne se fait pas sous de meilleurs auspices. Si la confiance entre le coach espagnol et le Kanak n’est pas rompu en début de saison, la bonne dynamique du club pousse le joueur hors du XI en début de saison. Les premières recrues galactiques de Florentino Pérez assureront la relève à chacune de ses blessures. En championnat, il accumule 8 titularisations avant les premiers jours des années 2000. Après, il n’en connaîtra que 2. Ses seules autres apparitions dès le début de match ne se font ensuite qu’en Copa del Rey et en Coupe du Monde des clubs. Le joueur continue d’être appelé en sélection, mais ne rentre quasiment plus sur le terrain.

Désormais âgé de 30 ans, ses belles années semblent passées et son corps ne supporte plus les efforts réguliers du très haut-niveau. Dans un rôle de remplaçant, il remporte tout de même la Ligue des Champions 2000 et l’Euro la même année. En phase éliminatoire européenne avec le Real Madrid, il ne joue que 10 minutes en demi-finale face au Bayern Munich afin de densifier le milieu de terrain et de contenir les ultimes assauts bavarois. Contacté par le Middlesbrough Football Club, il y est transféré durant l’été 2000. Ambitieux à l’époque, le club anglais veut profiter de l’expérience du joueur. Cependant, Christian Karembeu peine à s’imposer en Premier League. Il est transféré l’été suivant en direction de l’Olympiakos où il trouve un rôle de leader qui lui convient parfaitement. Les dernières grandes gloires du joueur se feront lors de la Coupe des Confédérations 2001 où le héros de la Septima joue un rôle majeur.

Erwan