Antonio Rüdiger : un soldat au service des troupes madridistas

Seconde recrue du Real Madrid cet été, le défenseur central de 29 ans sort de deux dernières très bonnes saisons avec Chelsea. Coup d'œil sur le parcours d'Antonio Rüdiger.

Antonio Rüdiger

Après plusieurs mois de spéculations, Antonio Rüdiger a posé ses bagages au Real Madrid après plusieurs années passées à Londres. Arrivé gratuit, le défenseur de la Männschaft (53 sélections) est un des gros coups de ce mercato d’été, lui qui a passé un cap sous la houlette de Thomas Tüchel en devenant un titulaire indiscutable de l’équipe des Blues. Carlo Ancelotti ne pouvait pas espérer mieux en renfort dans un secteur qui manquait d’hommes. Le profil rugueux et puissant de l’Allemand n’est pas sans rappeler celui d’un ancien pensionnaire portugais de la Casa Blanca et apporte encore un peu plus d’expérience des grands rendez-vous, lui qui a remporté l’édition 2020-2021 de la Ligue des champions.

Une âme de combattant

Né d’un père allemand et d’une mère originaire de la Sierra Léone, Antonio Rüdiger a grandi dans le quartier populaire de Neukölln à Berlin. Il n’est pas le seul footballeur de sa famille, son demi-frère, Sahr Senesie, jouait en tant que milieu offensif et a joué cinq ans au Borussia Dortmund (2003-2008). Dans une interview pour MARCA, « Rudy » explique que grandir dans cet environnement lui a permis de développer son fort caractère et qu’il a dû se concentrer sur le football afin de ne pas mal finir.

« Mes parents vivaient en Sierra Leone et ils ont dû fuir leur pays à cause de la guerre civile. Ils ont dû sacrifier beaucoup de choses pour nous. Disons que mon enfance n’a pas été facile. C’est d’ailleurs pour cela que je me suis mis sérieusement au football, pour éviter de dériver. »

Ses expériences de jeunesse lui ont fait relativiser sa vision du football. Connu pour son esprit bagarreur sur le terrain et son tempérament calme en dehors, Antonio Rüdiger profite d’une bonne réputation qui l’emmène en sélection nationale U-18, période durant laquelle il s’installe au poste de défenseur central quand il était en formation à Dortmund.

« Je jouais si dur sur des terrains en béton que mes chaussures avaient des trous partout. En fait, on aurait dit des sandales. J’étais si agressif que les gens m’appelaient Rambo. Je jouais comme ça, parce que j’avais beaucoup à prouver. »

Quand il était plus jeune, il s’imaginait devenir attaquant comme ces idoles de jeunesse que sont Ronaldo et George Weah. Passé par quelques clubs dans sa formation dans lesquels il prend le poste d’attaquant ou encore de milieu de terrain, Rüdiger finit sa formation et signe son premier contrat pro à Stuttgart en 2011 à 18 ans, club dans lequel il s’installe définitivement en défense centrale.

Un défenseur central besogneux en quête de réussite

Avant son parcours exceptionnel à Chelsea et son arrivée au Real Madrid, l’international Allemand connaît un début de carrière en dents de scie. Son premier contrat professionnel étant signé en printemps 2011, celui-ci ne peut être homologué. Envoyé en équipe réserve, il va faire ses débuts avec l’équipe première en janvier 2012 face au Borussia Mönchengladbach en tant qu’arrière droit (défaite à domicile, 0-3).

De 2011 à 2013, le colosse d’1 mètre 90 oscille entre la Bundesliga et la 3.Liga (troisième division allemande) pour obtenir du temps de jeu avant d’être définitivement installé en tant que titulaire en défense central du VfB Stuttgart. Il dispute 24 matchs lors de la saison 2012-2013 avec l’équipe première, durant laquelle il découvre l’Europa League face à Molde et dispute la finale de la Coupe d’Allemagne, perdue face au Bayern Münich (2-3).

La saison suivante est la plus aboutie de Rüdiger au sein du club allemand. Avec 35 matchs disputés et des performances convaincantes, Joachim Löw le convoque pour la première fois en mai 2014 en équipe nationale pour un match amical face à la Pologne (0-0). Repéré par de nombreux clubs européens, Antonio tape dans l’œil de plusieurs grands clubs, mais va connaître plusieurs blessures entre 2014 et 2015 et ne dispute que 20 matchs. Stuttgart se sauve même de la relégation pour deux points. Malgré tout, l’AS Roma est convaincu du potentiel du joueur et décide de le recruter sur la base d’un prêt payant de 4 millions d’euros avec une option d’achat à 9 millions. Avec l’équipe italienne, il découvre la grande compétition européenne qu’est la Ligue des champions.

La confirmation d’un joueur performant doté d’un gros caractère

La carrière d’Antonio Rüdiger en Italie est courte, mais de très bonne facture. Installé en tant que titulaire peu de temps après sa signature, le défenseur allemand fait tout de suite l’unanimité au sein de l’équipe romaine (37 matchs toutes compétitions confondues). Ses performances sont si bonnes que la Roma décide d’activer son option d’achat après avoir fini une nouvelle fois sur le podium de la Serie A. Mais en juin 2016, alors qu’il fait partie de la sélection pour jouer l’EURO en France, Rüdiger est victime d’une rupture du ligament antérieur croisé du genou droit, l’empêchant de participer à la compétition et le mettant sur la touche durant quelques mois.

Cette blessure qui intervient alors qu’il est sur le point de disputer sa première compétition internationale avec l’Allemagne, ne décourage pas le natif de Berlin. Il dispute une nouvelle saison pleine avec l’AS Roma entre 2016 et 2017 avec 35 matchs disputés et reçoit ses deux premiers cartons rouges en professionnel, n’oubliant pas son caractère bien trempé sur les terrains. Ce dernier va l’aider à surmonter des épreuves compliquées comme lors d’un derby face à la Lazio en 2017 où il est victime de cris et de paroles racistes. Il raconte alors l’incident au journal britannique The Player’s Tribune.

« Ils m’appelaient n****. Ils me disaient va manger des bananes. Ce n’était pas le premier abus raciste que je subissais, mais c’était le pire. C’était une véritable haine. Vous le savez quand vous le voyez dans leurs yeux. […] Il y a une enquête, mais rien ne se passe vraiment. De temps en temps, nous avons une grande campagne sur les médias sociaux, et tout le monde se sent bien dans sa peau, et puis nous revenons à la normale. »

Cette expérience a marqué au fer rouge l’Allemand qui après cette saison va signer pour 35 millions d’euros à Chelsea. Dans ce témoignage fait en 2021, Antonio exprime sa colère envers la pauvreté des actions faites contre le racisme de la part des institutions et met en avant la réaction de son ancien coéquipier, Daniele de Rossi.  « Il est venu me voir après le match contre la Lazio et il a dit quelque chose que je ne pense pas avoir entendu auparavant. J’étais encore très ému, très en colère. De Rossi s’est assis à côté de moi et m’a dit : « Toni, je sais que je ne ressentirai jamais la même chose que toi. Mais laisse-moi comprendre ta douleur. Qu’est-ce qui se passe dans ta tête ? » Il n’a pas tweeté. Il n’a pas posté un carré noir. Il s’est senti concerné. »

En arrivant à Chelsea avec le statut d’un joueur confirmé, Rüdiger a pour objectif de s’installer durablement dans une équipe qui vient d’être couronnée une nouvelle fois champion d’Angleterre sous les ordres d’Antonio Conte.

L’entrée dans la cour des grands et premiers titres

En arrivant dans le championnat le plus relevé au monde, par le niveau et le rythme du calendrier, Antonio passe dans une autre dimension à un moment charnière de sa carrière. Lors de ses deux premières saisons, sous les ordres de Conte puis de Maurizio Sarri, il s’installe comme un titulaire indiscutable en défense, son style agressif et bagarreur correspondant parfaitement à celui de la Premier League. Pour autant, il ne fait pas l’unanimité du côté de la presse britannique à cause de certains errements défensifs qu’il peut avoir.

Si la première saison de Rüdiger à Chelsea est un peu compliquée (5ᵉ à la fin de saison et qualifié seulement en Europa League), elle lui permet malgré tout de gagner son premier titre, celui de vainqueur de la Coupe d’Angleterre (1-0 face à Manchester United). La saison suivante, c’est l’Europa League 2019 qui se range dans l’armoire à trophée de l’Allemand avec une victoire nette face à Arsenal (victoire 4-1, finale qu’il ne jouera pas, car blessé depuis avril). Mais l’arrivée de Frank Lampard à la tête des Blues à l’aube de la saison 2019-2020 bouleverse tout et Rüdiger perd sa place de titulaire, se retrouvant une nouvelle fois sous les feux des projecteurs à cause de cris racistes qu’il aurait subi face à Tottenham en décembre 2019.

Peu utilisé pendant 1 an et demi, le défenseur central va renaître lors de l’arrivée de Thomas Tüchel en janvier 2021. Le technicien allemand change de dispositif et permet à son compatriote de se réinstaller dans la rotation. Il va devenir un des points-clé de la réussite de Chelsea, les Blues ne concédant que 3 buts en 15 matchs entre janvier et avril 2021. Dans une tribune sortie avant la finale de la Ligue des champions 2021, il a évoqué son année et demie compliquée sous les ordres de Frank Lampard, notamment vis-à-vis de la presse.

« Vous vous demandez peut-être pourquoi je parle de cela maintenant. Eh bien, regardez tout ce que j’ai vécu à Chelsea cette saison. Il y a quatre mois à peine, j’étais fini. À cette époque, si vous lisez des articles sur moi dans la presse anglaise, vous aurez une image très différente de moi en tant que personne par rapport à ce que je suis vraiment. »

Finalement, il a réussi à changer les avis de nombreux spécialistes par sa hargne et sa vélocité, mais aussi par ses qualités défensives. Réputé mondialement pour son statut ainsi que ses coups à la limite de l’acceptable (le KO de Kevin De Bruyne en finale de C1, la morsure sur Paul Pogba lors de l’Euro 2021), il a décidé après 5 ans de bons et loyaux services de quitter Chelsea pour s’envoler vers le Real Madrid. « Quand j’entends parler du fait que j’intéresse Madrid… Imaginez. C’était impressionnant. La première fois qu’ils m’ont contacté, c’était en septembre ou en octobre. Un club comme celui-ci n’appelle pas très souvent et c’était incroyable. »

Son profil expérimenté et rugueux va apporter un peu de poids et de profondeur à la défense centrale madridista qui récupère, avec plaisir, un nouveau soldat dans sa légion.

Médric Bouzermane