Casemiro, la quête royale du tank

Présenté le lundi 22 août au public d’Old Trafford, Carlos Henrique Casemiro est officiellement un joueur de Manchester United. Laissez-moi vous conter l’histoire d’un petit prince devenu roi d’Europe (et du monde) à son poste.

Casemiro

Il était une fois, un petit prince joufflu était en quête d’aventures pour prouver sa valeur. Guerrier fidèle, leader de son contingent, et muraille sur laquelle ses coéquipiers pouvaient compter, il domine le continent sud-américain en 2012, en remportant la première Copa Sudamericana de l’histoire de son club de toujours : São Paulo. À l’issue de sa première grande campagne, le jeune prince s’en alla en Europe, avec plein d’espoirs et de rêves. Animé par le désir de prouver sa valeur, c’est ici que le récit démarre. Revenons ensemble sur les 6 moments clé du bulldozer, qui l’ont façonné comme le tank Carlos Henrique Casemiro.

31 janvier 2013 : l’arrivée au Castilla

Auréolé de son titre continental en 2012, Carlos Henrique Casemiro arrive dans les dernières heures du mercato hivernal. Le 31 janvier 2013, il est prêté par São Paulo au Castilla. Il joue son premier match avec la réserve de la maison blanche le 16 février, à l’occasion de la 26ᵉ journée de championnat contre le Sabadell FC.

Malgré un début de saison plus que poussif du Castilla (9 victoires, 4 nuls et 12 défaites sur les 25 premières journées, l’arrivée de Casemiro permet de stabiliser un bateau qui tangue depuis le début de saison). Son coach Alberto Toril n’hésite pas à le faire jouer et Casemiro enchaîne rapidement les titularisations. Le 20 avril 2013, Casemiro dispute son premier match professionnel au Real Madrid sous les ordres de José Mourinho, lors de la victoire 3-1 contre le Real Betis.

Malheureusement, Casemiro n’a guère plus de temps de jeu. José Mourinho et Alberto Toril sont en désaccord sur la manière de jouer de leurs équipes respectives. Le coach lusitanien décide de se passer de l’essentiel des jeunes du Castilla en réponse à l’insubordination d’Alberto Toril. Casemiro en pâtit jusqu’à la fin de la saison 2012-2013.

L’arrivée de Carlo Ancelotti permet au milieu brésilien de jouer plus de matchs, avec à la clé une entrée décisive contre le Borussia Dortmund en C1 pour tenir le score lors du match retour. Vainqueur de sa première Ligue des champions en 2013-2014, Casemiro est prêté au FC Porto pour la saison 2014-2015 avec une clause de rachat.

3 juin 2015 : la nomination de Rafael Benítez

Après une saison 2014-2015 pleine de regrets, Carlo Ancelotti est remercié. Le 3 juin 2015, le technicien espagnol Rafael Benítez est nommé coach du Real Madrid. Vainqueur de la Ligue des champions avec Liverpool en 2005, mais surtout à la tête du Valencia CF du début des années 2000, sa venue laisse perplexe le public madrilène.

Jugé frileux par rapport à son prédécesseur italien qui marque le club par un jeu chatoyant entre 2013 et 2015, Rafael Benítez est obsédé par la notion d’équilibre. Exit Toni Kroos devant la défense, place à un véritable milieu défensif de métier. Envoyé au FC Porto avec une option d’achat, Casemiro revient au Real Madrid contre un chèque de 7,5 millions d’euros.

Le brésilien ne pouvait pas espérer meilleur coach pour se mettre en évidence chez les Merengues. Rafael Benítez est sans doute l’un des tout meilleurs coachs dans la gestion des milieux défensifs (Xabi Alonso et Javier Mascherano à Liverpool, Gökhan Inler au Napoli, ou encore David Albelda à Valence). Casemiro démarre dans le 4-2-3-1 du technicien espagnol, et impressionne dès ses premières sorties. Véritable stabilisateur de l’édifice madrilène, le natif de São Paulo devient une évidence au milieu de terrain pour couvrir les Rodríguez, Modrić, Kroos and co. La légende du tank voit le jour à Madrid.

28 mai 2016 : le sacre à Milan et l’entrée dans la cour des très grands

À l’occasion de la 61ᵉ finale de Ligue des champions, le Real Madrid est opposé à son voisin l’Atlético de Madrid. Cette affiche, remake de la finale de 2014, est le premier test grandeur nature pour Casemiro. Le natif de São Paulo convainc tout au long de la saison, et même Zinedine Zidane, qui au début de son mandat ne lui faisait pas confiance. À Milan, au stade Giuseppe-Meazza, Casemiro doit conquérir l’Europe pour la première fois, mais également se présenter au vieux continent.

Non loin du Museo del Novecento, consacré aux arts du XXᵉ siècle, Casemiro rend fier bon nombre des milieux défensifs du dernier millénaire. Pour sa première finale de Ligue des champions, le Brésilien impressionne. Une présence tentaculaire, un volume de jeu ahurissant, Casemiro n’a pas ménagé le milieu adverse, les contraignants à jouer sur les côtés en permanence.

Ajoutez à cela des montées rageuses bien senties, ainsi qu’une complémentarité parfaite avec la charnière Ramos-Pepe, et vous obtiendrez les ingrédients de son très gros match. Son activité a permis entre autres aux milieux Kroos et Modrić, ainsi qu’aux latéraux Marcelo et Carvajal de monter à souhait. Un modèle de match qui a sacré le Real Madrid pour la 11ᵉ fois en C1, mais a surtout introduit la « CMK » dans la légende.

8 août 2017 : première rencontre contre son futur club

Le choix était cornélien. Bien évidemment, on aurait pu aborder la finale de Ligue des champions 2017, dans laquelle il inscrit le but du 2-1, et contribue au débridement de ses partenaires en seconde période. Pour autant, sa finale de Supercoupe d’Europe 2017 est plus complète, et reste une performance aboutie de bout en bout, au contraire de sa finale de C1 dont la première mi-temps n’est pas reluisante.

Si en haut du losange Isco Alarcón est l’homme du match de la finale macédonienne contre Manchester United, la pointe basse n’est pas en reste. Les deux pendants verticaux du 4-4-2 madrilène terrassent presque tous seuls Manchester United. Dans la tunique noire du Real Madrid, Casemiro est l’autre lumière de ce match. Buteur à la 34ᵉ minute de jeu sur un service de Dani Carvajal, le milieu défensif brésilien est au four et au moulin.

Remises de jeu intelligentes quand il se projette, activité hors pair, zone de couverture monstrueuse, danger permanent lorsqu’il s’approche de la surface de réparation : l’entièreté de ses qualités footballistiques a ébloui le match. Et lorsque Manchester United relance le suspens à travers Romelu Lukaku, que Marcus Rashford fait des siennes sur son côté, ou bien que Marcelo semble dépassé par l’activité de Lingard dans son couloir, le Tank colmate toutes les brèches et rattrape tout.

La saison 2019-2020 : la naissance du leader de vestiaire

Je vous le concède ce n’est pas une date précise. Et c’est la seule de cet hommage. Néanmoins, on ne peut pas passer à côté de cette année charnière dans sa carrière madrilène. Après une saison 2018-2019 compliquée pour l’essentiel des joueurs du club, Casemiro se découvre une nouvelle qualité : un leadership conséquent.

Buteur providentiel contre Bruges en C1, buteur décisif contre l’Espanyol de Barcelone à Cornellà-El Prat (0-1) dans la course au titre en Liga, le numéro 14 du Real Madrid devient un des leaders de son club. Même s’il est vrai que le Real Madrid manque de ressources offensives, il s’en sort grâce à l’expérience de ses cadres, dont fait justement partie Casemiro.

Cette saison amorce son retour en grâce au Real Madrid, après avoir été sérieusement bousculé par Marcos Llorente, avant que ce dernier ne soit vendu à l’Atlético de Madrid. Homme à tout faire du milieu de terrain, il permet à Toni Kroos et Luka Modrić depuis de cinq ans maintenant d’évoluer au plus haut niveau. Véritable chaînon essentiel de l’ensemble de la structure défensive de son équipe, il permet par la suite de rester compétitif jusqu’à la fin de son passage au Real Madrid. Malgré la saison blanche en 2012-2013, son passage se termine sur la plus belle des conclusions, en remportant doublé Liga-C1 avec la Supercoupe d’Espagne d’abord, puis celle de l’UEFA dont il a été élu homme du match.

22 août 2022 : adieux larmoyants

La météo annonçait un soleil plein, et 32° au thermomètre. Pourtant, à 11h30, il pleuvait à verse dans la salle de conférence de presse de Valdebebas. Le bulldozer est devenu tank, néanmoins le guerrier dont l’armure était si solide s’est fendue en cette fin de matinée. Larmes aux yeux, Carlos Henrique Casemiro s’en va vers d’autres cieux, plus précisément dans la grisaille du club ami du Real Madrid : Manchester United. Le Brésilien entre dans la légende du plus grand club du monde avec 18 trophées en 9 ans, dont 5 couronnes européennes.

Le petit prince qui voulait montrer sa valeur est devenu un roi qui n’a plus rien à prouver à son poste. Toujours précieux dans son style, leader charismatique, et facilitateur de la jeunesse brésilienne amenée à prendre le pouvoir à Madrid (Vinícius et Rodrygo), Casemiro ouvre un nouveau chapitre de sa carrière dans un autre royaume. La perfide Albion s’offre encore une référence mondiale. Nul doute que l’on contera encore les exploits du tank, qui n’a seulement que 30 ans.

 

Abdoulaye