Guardiola aux portes d’une 4e finale de C1 : les aspects méconnus du génie du football

Mardi soir, le Real Madrid et Manchester City disputaient la 1ʳᵉ partie d'une finale avant l'heure de 180 minutes. Même si la rencontre s'est soldée par un match nul, elle aurait dû être bien différente si l'intégralité du corps arbitral avait fait ce pour quoi il est rémunéré.

Guardiola

Coupables d’un grave impair, les hommes en noir ont peut-être hypothéqué les chances du Real Madrid de remporter la 15e Ligue des champions de son histoire. En revanche, il est désormais certain qu’ils ont définitivement terni la réputation de Josep Guardiola i Sala en tant qu’entraîneur sur la scène européenne, ce qui est déplorable étant donné la qualité exceptionnelle de l’entraîneur espagnol. C’est l’occasion de revenir sur des aspects oubliés ou méconnus de la légende du football moderne mais qui n’en demeurent pas moins importants.

L’un des meilleurs entraîneur de tous les temps

Lorsqu’il évoluait au Qatar, Josep Guardiola avait été interviewé par un média espagnol. À l’époque, il avait laissé la porte ouverte à une reconversion en tant qu’entraîneur. Néanmoins, il n’aurait jamais pu penser qu’il connaîtrait un tel destin dans cette fonction. Après avoir passé ses diplômes, Pep a repris la seconde garniture du FC Barcelone. Même s’il avait à sa disposition des joueurs de grand talent tels que Busquets, Pedro ou Thiago, il a tout de suite imposé sa patte, ses idées et obtenu la promotion de la réserve barcelonaise en Segunda División B dès sa première saison.

Il n’en a pas fallu plus pour que Johan Cruyff, alors assesseur du club Blaugrana, souffle le nom du natif de Santpedor au Président Joan Laporta. À ce moment, son équipe était à la dérive. Malgré une première Ligue des champions nouveau format obtenue en 2006 avec Frank Rijkaard, le club catalan n’était pas parvenu à maintenir sa bonne dynamique les saisons suivantes.

En effet, alors qu’il était proche d’obtenir une troisième Liga d’affilée en 2007, il a dû se contenter de la deuxième marche du podium au détriment d’un Real Madrid qui était alors entraîné par Fabio Capello. Le goal-average particulier qui se base sur les confrontations directes lui avait été rédhibitoire malgré un nombre de points similaire au classement (76).

Cependant, la saison suivante fût beaucoup plus compliqué. Le Barça, malgré la présence de joueurs confirmés dans son effectif, avait effectué une campagne en Liga désastreuse, terminant à 10 points de l’excellent Villarreal de Manuel Pellegrini et à 13 du champion madrilène de Bernd Schuster. À noter que ce dernier a réussi la prouesse de rester en tête du classement de Liga durant 37 journées (!). Cette domination outrageuse a eu un corollaire qui reste toujours en travers de la gorge de certains supporters Catalans.

Lors du Clásico retour au Santiago Bernabéu, le Real Madrid était déjà proclamé champion et les 11 joueurs du Barça qui ont débuté la rencontre ont dû effectuer une haie d’honneur aux 11 joueurs titulaires madrilènes. Cette pratique est connue en Espagne sous le nom de Pasillo.

La défaite 4-1 durant le match a eu un impact bien plus important et retentissant dans l’opinion publique et pour les dirigeants catalan que le Pasillo en lui-même. Plus personne ne misait un centime sur les joueurs qui avaient débutés cette rencontre tant la sensation de leur impuissance et leur résignation face au rival madrilène avait été prégnante. Malgré les présences de Puyol, Abidal, Xavi, Yaya Touré, Messi ou encore Thierry Henry, le FC Barcelone s’était retrouvé très proche d’une correction qui aurait été historique si Thierry Henry n’avait pas sauvé l’honneur grâce à sa spéciale.

Un triplé historique dès sa première saison

Eu égard aux circonstances précitées, la tâche de Pep s’avérait périlleuse et c’est un euphémisme. Même s’il jouissait encore d’une grande aura de son passage en tant que joueur au sein du FC Barcelone, nombreux sont ceux qui estimaient à l’époque qu’une seule saison à la tête de l’équipe réserve ne lui garantissait pas de pouvoir être l’homme providentiel qui allait être à même de redresser la situation sportive du club. Et ceci, quand bien même, elle avait été couronnée de succès. Dès sa nomination en tant que coach du Barça, Pep était parfaitement conscient de cet état de fait, faisant preuve de beaucoup de lucidité.

De plus, le natif de Santpedor a immédiatement pris deux décisions retentissantes et incompréhensibles pour beaucoup d’observateurs : se séparer de Ronaldinho et Deco. Il souhaitait également en faire de même avec Samuel Eto’o mais les performances de l’attaquant camerounais durant la présaison l’ont convaincu de le conserver.

Outre les plus fervents supporters catalans, personne ne connaissait Gérard Piqué, qui était barré à cette période par la légendaire paire de centraux Vidić-Ferdinand à Manchester United. Toutefois, Pep lui a accordé toute sa confiance et un soutien indéfectible. Il en a fait de même pour Sergi Busquets, en n’hésitant pas, malgré son jeune âge et son manque d’expérience du haut niveau, à le titulariser au détriment de l’excellentissime Yaya Touré.

Fait peu connu mais néanmoins significatif, le Barça de Pep a subi une défaite lors de son premier match en Liga face à Numancia. D’aucuns n’auraient pu prédire le dénouement de ce début manqué. Le reste de cette saison fait partie de l’histoire du football mais les circonstances susmentionnées démontrent tout le mérite et la valeur du technicien catalan. Dès sa première saison en tant qu’entraîneur de football professionnel, Josep Guardiola i Sala a obtenu un triplé autant historique qu’inattendu.

Un tacticien innovant et un homme très intelligent

Guardiola est souvent salué pour ses résultats très positifs dans les 3 clubs qu’il a entraînés mais peu relèvent son innovation majeure dans le métier d’entraîneur : les changements tactiques durant les mi-temps. L’exemple le plus probant de cet état de fait reste selon nous le Clásico remporté par ses joueurs au Santiago Bernabéu en décembre 2011 (1-3). Alors que Karim Benzema avait ouvert la marque après 22 secondes de jeu (!), Guardiola ne s’est pas pour autant alarmé et a guidé les siens activement pour leur permettre de revenir dans la rencontre.

Suivant les consignes de leur entraîneur, Iniesta alternait les positions d’ailier gauche et de milieu relayeur, Cesc de faux 9 et de milieu relayeur et Alexis Sánchez a joué à chaque poste de l’attaque, permettant aux siens de recoller au score. Loin de rester inactif, Pep a ordonné à Dani Alves de monter au poster d’ailier droit afin de jouer avec une défense à 3. Corollaire : victoire 1-3 au Santiago Bernabéu et énormes sentiments de frustration chez les supporters madrilènes tant José Mourinho paraissait impuissant et dépassé par les événements.

En sus de l’entraîneur hors-pair, Guardiola est également intelligent en dehors du football, sport auquel il n’a pas hésité à rendre hommage lors de son discours édifiant devant le Parlement de Catalogne qui l’a vu être récompensé de la médaille d’or pour ses succès historiques :

« Mes parents m’ont éduqués. Plutôt bien, je dirais. L’école m’a aidé, bien-sûr. Mais ce qui m’a éduqué : le microsystème qu’est une équipe de football. Un groupe de personne ensemble. À moi, c’est ce qui m’a donné tout ce que je suis maintenant en tant que personne. Cela m’a formé. Faire du sport m’a apporté cela. J’y ai appris, ce que gagner signifie. Et de le célébrer avec beaucoup de modération. Et cela m’a appris ce qu’est une défaite et la douleur inhérente à celle-ci. Mais perdre t’apprend à te relever et valoriser combien il est difficile de gagner. Et j’ai appris que les reproches sont absolument inutiles. Que lorsque tu perds c’est ta responsabilité. »

Des succès européens controversés et qui doivent être relativisés

Nonobstant les éloges mentionnées auparavant, il convient de mettre en exergue que la valeur de certains succès remportés par Guardiola doivent être tempérés. Lors de son deuxième mandat comme coach professionnel, Guardiola avait la lourde tâche de succéder à Jupp Heynckes, vainqueur du triplé avec le Bayern Munich la saison précédente.

Même si sa domination avec les Blaurot a été outrageuse sur la scène nationale, Pep n’est malheureusement pas parvenu à dépasser le cap des demi-finales de Ligue des champions et ceci, en dépit d’un effectif excellent, au sein duquel Arjen Robben était parvenu à s’installer sur le podium des meilleurs joueurs offensifs après Cristiano Ronaldo et Messi.

Dès lors, dès les premières déconvenues, des critiques concernant sa tactique sont apparues, notamment par rapport à son obsession pour la possession. Après la défaite en demi-finale aller de l’édition 2013-2014 de la Ligue des champions face au Real Madrid d’un certain Carlo Ancelotti, Franz Beckenbauer, alors Président d’honneur du club bavarois, n’avait pas hésité à pointer le technicien espagnol du doigt.

Loin de se laisser déstabiliser, Guardiola a justifié son style de jeu. Contrairement aux idées reçues, sa priorité pour la possession du ballon dans son approche des matchs n’avait pas une vocation offensive mais défensive. Selon Pep, plus le ballon se trouvait loin de son propre but et que ses joueurs le contrôlait, moins l’adversaire avait de possibilité d’avoir des occasions.

Au-delà de ses revers européens tant avec le Bayern Münich qu’avec Manchester City, Josep Guardiola a bénéficié de coups de pouces arbitraux lors des deux Ligues des champions qu’il a remportés avec le FC Barcelone. En premier lieu, lors de son historique triplé, le natif de Santpedor a été clairement avantagé lors du match retour de Champions League à Stamford Bridge contre Chelsea, rencontre que beaucoup considèrent comme le deuxième plus grand scandale arbitral de l’histoire du football après l’hallucinant Corée du Sud-Espagne de 2002.

Deuxièmement, en 2011, il a également bénéficié d’un léger coup de pouce. Celui-ci est beaucoup moins scandaleux que le premier mais il a tout de même permis au FC Barcelone de l’emporter 0-2 au Bernabeu et de se qualifier pour la finale. Après coup, il avait été clairement démontré que Pepe n’avait pas touché Dani Alves et n’aurait donc pas dû être expulsé. Cependant, on peut légitimement se demander ce qu’il serait arrivé si Alves n’avait pas retiré sa jambe. Donc, selon nous, même si elle reste controversée, la 2e Champions League de Pep Guardiola n’en demeure pas moins légitime.

En revanche, avec ce qu’il s’est produit mardi dernier, il est indéniable et irréfutable que si Manchester City en venait à remporter cette édition, la 3e C1 de Pep serait entachée d’un nouveau scandale arbitral. En effet, mardi soir, le monde du football a assisté a une erreur d’arbitrage inadmissible à ce stade de la compétition et qui aurait pu être évitée étant donné la technologie à disposition de nos jours. Cet état de fait n’est pas sans conséquence, tant s’en faut. Alors qu’il était dans les cordes, le City de Guardiola est est revenu au score uniquement en raison d’une grossière erreur arbitrale que la technologie aurait pu/dû éviter.

À la 67 ème minute, Kevin De Bruyne a égalisé d’une frappe magnifique. Ce but aurait dû être annulé. En effet, sur l’action qui amène à la réalisation du Belge, le ballon était clairement sorti au point que Vinícius Jr. et Camavinga se sont arrêté de jouer, étant certains que l’arbitre interromprait l’action.

Même si les chances du Real Madrid de se qualifier pour la finale restent intacts, la rencontre de la semaine dernière restera dans les annales des scandales arbitrales de l’histoire de la Ligue des champions. Seule une qualification du Real Madrid pourrait atténuer l’injustice dont ont été victimes les Madrilènes.

Le souhait de Mourinho ne se réalisera pas cette année

En 2011, après la demi-finale aller perdue 0-2 au Santiago Bernabéu contre le FC Barcelone de Pep Guardiola, José Mourinho avait émis un souhait pour celui qu’il avait cotôyé 4 ans en Catalogne alors qu’il était entraineur-assistant :

« Josep Guardiola est un entraîneur magnifique de football, un entraîneur magnifique de football, je répète. Mais il a gagné une Champions qu’il m’aurait fait honte de gagner car il l’a gagné grâce au scandale de Stamford Bridge. Et si cette année, il gagne la 2e, il la gagnera avec le scandale du Bernabeu. J’espère, car Guardiola le mérite, qu’un jour, il aura l’opportunité de gagner une Ligue des champions de façon intègre. La Champions que tu gagnes, car tu gagnes, tu le mérites et que tu l’as fait dans la normalité. C’est ce que je lui souhaite, car je le respecte comme entraîneur et respecte comme personne car nous avons été ensemble durant 4 ans et il m’a toujours traité de manière fantastique. »

En conclusion, ce n’est pas cette saison que Josep Guardiola i Sala remportera sa première Ligue des champions sans qu’elle soit controversée. Il serait bon ton que le technicien catalan en obtienne une avant sa retraite afin de faire taire les critiques sur ses qualités d’entraîneur qui ont débutées lors de son séjour en Bavière. Au surplus, ses détracteurs peuvent désormais s’appuyer sur l’Affaire Negreira pour appuyer leur dire. À notre sens, ces remises en questions sont trop sévères, imméritées et entachent injustement la légende de ce magnifique entraîneur. D’où la nécessité de rappeler au amateurs de football d’où Guardiola est parti.

 

Gjon Haskaj