L’antimadridisme a atteint son paroxysme

La semaine passée Miguel Ángel Gil Marín, conseiller délégué de l'Atletico Madrid a déclaré que "le Real Madrid biaise la compétition en créant un climat insupportable pour les arbitres". Cette assertion a fait écho au fait que le Real Madrid ait montré son mécontentement sur l'arbitrage de Javier Alberola Rojas lors du derby au travers de sa chaîne Real Madrid TV. Interrogé sur la déclaration de Marín, Ancelotti a été clair et succinct : "Gil Marín s'est trompé lourdement, personne n'est parfait". L'incongruité et l'absurdité de cette déclaration cachent un malaise beaucoup plus profond, qu'on peut intituler "l'antimadridisme".

Antimadridisme

Le Real Madrid est envié en Espagne

« L’antimadridisme est le prix à payer pour avoir avoir plus de Ligas en Espagne et plus de Ligue des Champions en Europe que quinquonque » disait Santiago Bernabéu. Force est de constater que son constat de l’époque est on ne peut plus d’actualité eu égards aux événements récents. Certains vont même jusqu’à affirmer que l’antimadridisme est le plus grand rival du Real Madrid, en prenant pour exemple les réjouissances qui suivent chaque défaite du Real Madrid.

La saison précédente, le football espagnol a vécu un événement malheureux. Viní Jr. a subi des actes de discrimination raciale d’une grande partie des supporters du FC Valence. Afin de justifier ces comportements inadmissibles, les détracteurs du brésilien l’accusaient de provoquer régulièrement les spectateurs adverses.

Ces accusations étaient totalement infondées. S’il est vrai que la jeune star brésilienne se plaignait régulièrement envers les arbitres lors des rencontres qu’il disputait, il n’en était rien envers les supporters adverses. Ses coéquipiers, le staff technique, les employés du Real Madrid ainsi que ses supporters sont les seules personnes envers qui Viní Jr. devait rendre des comptes. Cela ne regardait en rien les supporters adverses.

Qu’est-ce qui a pu pousser les supporters des clubs adverses à attribuer au génie brésilien un comportement qui n’était pas le sien ? José Mourinho, alors qu’il entraînait le Real Madrid, avait fait une affirmation qui, bien que dans un contexte différent, peut apporter une esquisse de réponse :

« Aucune équipe est invicible, il arrive à chacune d’entre elles de perdre. Mais lorsque le Real Madrid perd, tout le monde s’en réjouit car c’est le meilleur club« .

L’antimadridisme est effectivement prégnant en Espagne. Dans un monde normal, Baena, joueur de Villareal, serait sifflé dans tous les stades d’Espagne en signe de désapprobation du comportement qu’il a eu envers Fede Valverde. Malheureusement, la haine que suscite la gloire du Real Madrid fait qu’il n’en sera rien. Lorsque Mourinho était à la tête du Real Madrid, ce dernier n’était pas encore revenu sur la cime de l’Europe. Ses succès européens contemporains ne sont pas le cause du sentiment d’antimadridisme et l’assertion de Santiago Bernabéu évoquée en préambule n’explique pas tout.

Comment le Real Madrid peut-il susciter autant d’aversion en Espagne alors qu’il est adulé dans de nombreux endroits du globe ? Nous estimons que Saint-Thomas d’Aquin donne une réponse probante à notre interrogation dans sa liste des 7 péchés capitaux : l’envie. Le Real Madrid a remporté deux Ligas successives sous Ramón Calderón sans que la répulsion en Espagne à l’encontre de son institution soit si vive.

La fortune et le statut social de Florentino Pérez suscitent de l’envie. L’heure est désormais venue de le clamer haut et fort. L’envie, déjà prohibée dans le 9ème Commandement du Décalogue, doit être soigneusement distinguée de la jalousie. Alors que la jalousie est le fruit de la crainte de perdre quelque chose ou quelqu’un à laquelle une personne est attachée, l’envie est un sentiment qui pousse une personne à désirer quelque chose qu’un individu possède alors que ce n’est pas son cas.

Gil Marín ne fait aucune mention de l’Affaire Negreira

Il est assez piquant de relever que Gil Marín affirme que le Real Madrid biaise la compétition mais ne fasse aucune mention du fait que le FC Barcelone ait versé plus de 7 millions d’euros au Vice-Président du Comité arbitral pendant 17 ans et que son club ait été affecté par cet état de fait.

Il est encore plus piquant de remarquer que sa déclaration intervient quelques semaines après qu’il ait été nommé au Comité exécutif de l’UEFA comme l’un des représentants de l’association des clubs (ECA). La même UEFA qui tire à boulet rouge sur le Real Madrid et son projet de Super League Européenne, tout en étant dans le déni sur le futur impact de la ligue saoudienne sur le football européen.

Malgré ce qu’en dit Gil Marín, les plaintes du Real Madrid ne sont pas dénuées de pertinence. Il n’est pas inopportun de relever que des faits jeu litigieux ont pu avoir une incidence sur l’issue d’une rencontre et de souligner que le collège arbitral aurait pu prendre une autre décision. Ces plaintes sont d’autant plus légitimes compte-tenu des circonstances. Lesquelles ?

Récemment, la Garde civile a ouvert une enquête sur Clos Gómez, le responsable du VAR en Liga. Des soupçons pèsent sur lui dans le cadre de l’Affaire Negreira, étant donné qu’il est le propriétaire de 7 propriétés immobilières très onéreuses qu’il aurait payé au comptant. A titre informatif, durant la période des paiements du FC Barcelone à M. Negreira, le Barça compte 84% de victoires lorsqu’il a été arbitré par Clos Gómez pour 0% de défaites (20 victoires et 4 nuls).

En conséquence, et contrairement à ce qu’affirme Gil Marín, le Real Madrid ne crée pas un climat insupportable pour les arbitres. Il met simplement en exergue des décisions arbitrales qu’il estime litigieuses dans un contexte extrêmement délicat. En revanche, il y a effectivement des personnes qui, il fût un temps, adoptaient un comportement incongru envers les arbitres. C’est bien de cet antimadridisme dont il est question.

Cest personnes ne sont autres que les joueurs de la Pep Team. A l’époque, lors de chaque décision délicate qu’un arbitre allait prendre, Xavi et consorts formaient systématiquement un attroupement autour de lui afin de lui mettre la pression. Les joueurs rescapés de cette merveilleuse équipe ont fait perdurer cette pratique dans le temps. Etaient-ils convaincus que leurs pressions allaient être couronnée de succès ?

C’est ce qu’on peut déduire du contenu de l’interview que Juanjo Maqueda a récemment donné pour le média LaGalerna. Dans celui-ci, l’ancien joueur et entraîneur-assistant du Real Madrid, en s’exprimant sur l’Affaire Negreira, affirme que les joueurs du FC Barcelone étaient parfaitement au courant qu’ils étaient avantagés.

L'antimadridisme ce fléau (Icon Sport)

L’antimadridisme ce fléau (Icon Sport)

Villajero poursuivi en justice par le Real Madrid

Il y a deux jours, le Real Madrid a émit un communiqué officiel dans lequel il indique qu’il allait entreprendre des démarches judiciaires à l’encontre de M. José Manuel Villarejo. Ce dernier,  a affirmé sur la radio catalane Rac1 que Florentino Pérez, à l’instar d’autres présidents de clubs espagnols, ont corrompu des arbitres. Toutefois, l’homme d’affaire a tenu à souligner qu’au contraire des autres présidents, Florentino Pérez était « intouchable », avec tout ce que cela sous-entend. L’antimadridisme à son paroxysme.

Ces propos sont extrêmement graves étant donné qu‘ils ne sont pas accompagnés de preuves et à moins d‘un invraisemblable concours de circonstances, ils ne le seront jamais. En effet, Florentino Pérez a débuté son premier mandat en 2000, une année avant que les paiements à M. Negreira commencent. On voit donc mal comment M. Pérez aurait pu obtenir des faveurs arbitrales dans ces circonstances.

M. Villajero a donc débité une ineptie afin de dénigrer le Real Madrid, au même titre que Joan Laporta l‘avait fait lors de sa conférence de presse sur l‘Affaire Negreira, en affirmant que « le Real Madrid était le club du régime ». Il appartiendra à la justice espagnole de déterminer si M. Villajero s‘est rendu coupable de diffamation ou de calomnie.

Pourquoi inclure la diffamation sachant l’impossibilité que Florentino Pérez ait pu réaliser les agissements dont M. Villajero l‘accuse ? Il n‘est pas à exclure que ce dernier ait ouï dire les propos qu‘il a tenu à l’encontre de Florentino Pérez. En effet, la réécriture de l’histoire est une pratique courante dans l’antimadridisme, en atteste le fait que, jusqu’à il y a peu, la doxa était convaincue que le Real Madrid était le club du régime franquiste.

L’extrait publié par le Real Madrid suite au accusations de Joan Laporta lors de sa conférence de presse d‘avril dernier est venu (enfin) rétablir la vérité. La propagande mensongère dont a été victime le madridisme pendant des décennies sur ce fait-là a désormais cessé. Mais, comme le comportement récent de M. Villajero le démontre, il ne peut être écarté que nouveaux narratifs fallacieux voient le jour.

L’antimadridisme ne doit pas être considéré comme une fatalité

Le transfert de Mijatović vers le Real Madrid avait converti le club de la capital en grand ennemi du FC Valence. Celui de Pellegrini avait fortement détérioré l’image du club de Concha Espina auprès des sympathisant du sous-marin jaune. Force est de constater que les deux finales de Ligue des Champions perdues par l’Atletico Madrid ont laissé des séquelles. L’aversion des clubs susmentionnés envers le meilleur club du monde peut s’expliquer. Il en va tout autrement pour les autres clubs de LaLiga.

Toutefois, il convient de relever le comportement très professionnel du FC Séville. Son communiqué sur l’Affaire Negreira en février dernier a eu pour corollaire une réaction en chaîne des autres clubs de LaLiga ainsi qu’un rétropédalage de la part de Javier Tebas concernant le possibles conséquences pour le FC Barcelone. Vendredi dernier, le FC Séville a de nouveau émis un communiqué au regard des dernières informations révélées sur l’enquête judiciaire en cours sur l’Affaire Negreira dans lequel il souhaite exprimer entre autres son indignation envers les pratiques des dirigeants du FC Barcelone.

Le Real Madrid ne mérite pas de susciter autant d’aversion en Espagne sachant que ses récents succès en Ligue des Champions ont contribué au rayonnement de l’Espagne non seulement en Europe mais dans le monde entier. Il est possible que le narratif mensonger dont ont été abreuvés les supporters espagnols sur le Real Madrid durant de très longues années ait pu altéré leur perception de ce dernier.

En effet, jusqu’à il y a peu, la doxa étaient convaincue que le club de Chamartín était le club du régime avant que ce dernier rétablisse la vérité sur les faits. Toutefois, le traitement dont il est victime est injustifiable et doit changer. Qu’un personnage comme Rubiales qui a passablement nui au Real Madrid cesse d’être le Président de la Fédération espagnole de football est un bon début du changement de paradigme qui doit s’opérer.

 

Gjon Haskaj