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Interview : Jesús Bengoechea, amoureux critique du Real Madrid

par | 22/11/2023 - 18:11 | 0 commentaires

Le Journal du Real a eu l’opportunité et l’honneur d’interviewer Jesús Bengoechea, fondateur et rédacteur en chef de La Galerna. Ce média espagnol est exclusivement dédié au Real Madrid et tout ce qui entoure le club. Ses plumes aiguisées et pertinentes ainsi que son humour caustique en font l’un des médias les plus populaires sur le Real Madrid en Espagne.

Le Real Madrid s’apprête à vivre un moment important de son histoire avec l’inauguration du nouveau stade. En parallèle, le football européen et espagnol traverse une crise, qu’elle soit économique ou institutionnelle. Dans ce contexte, Jesús Bengoechea a eu l’amabilité de répondre à nos nombreuses interrogations sur le club qu’il connaît si bien. Il est le fondateur et rédacteur en chef de La Galerna, un média espagnol iconique dédié au Real Madrid.

Bonjour Jesús Bengoechea, pourriez-vous présenter votre média à nos lecteurs, expliquer ses origines et ses objectifs ?

Jesús Bengoechea : La Galerna est un journal sur le Real Madrid, exclusivement orienté sur les opinions et les interviews. Nous n’avons pas d’informations et donc pas de rumeurs de transferts, si fréquentes dans le monde du football. Ceci nous permet de vivre relativement tranquilles et d’être heureux, même si nous renouvelons constamment notre contenu avec des articles liés aux dernières nouvelles du Real Madrid.

Nos interviews sont également très appréciées. Nous avons eu avec nous de grandes légendes du madridisme, ainsi que de grandes figures d’autres domaines du divertissement ou de la culture qui se définissent comme des madridistes.

Nous avons commencé le 21 mai 2015, et depuis lors, nous avons beaucoup grandi en lectorat et en prestige. Notre objectif est d’offrir un contenu au madridisme intelligent, passionné et actif pour créer l’opinion, comme on dit, et les divertir en utilisant l’ironie et en gardant à l’esprit la littérature. Nous traitons de l’actualité, mais aussi de l’histoire du club.

Comment voyez-vous l’évolution du football en général au cours des dernières décennies ?

Jesús Bengoechea : Avec inquiétude. Il y a beaucoup de phénomènes inquiétants. La présence des grands États pétroliers, qui gonflent brutalement le marché en dépensant sans compter dans les clubs qu’ils possèdent, constitue une grande menace. Du côté de la demande, le manque d’intérêt des jeunes pour ce sport s’accroît. Pour ressusciter à nouveau leur intérêt, il va falloir remodeler les compétitions européennes actuelles et changer les règles, qu’on le veuille ou non. Les jeunes d’aujourd’hui n’ont aucune patience pour un spectacle comme le football tel qu’il a été conçu il y a tant d’années.

Cette saison, les clubs de LaLiga ont dépensé peu d’argent par rapport aux autres ligues. Malgré cela, au moins 4 clubs ont une chance de se qualifier pour les huitièmes de finale de la Ligue des Champions. Comment expliquez-vous un tel succès ? Est-ce à cause de la culture footballistique espagnole ?

Jesús Bengoechea : Je vais avoir l’air terriblement cynique, mais je pense que c’est parce qu’ils ont eu beaucoup de chance lors du tirage au sort et qu’ils ont eu de bons groupes. Ces dernières années, la seule équipe espagnole qui a réussi à se qualifier en Europe a été le Real Madrid. Quoi qu’il en soit, Barcelone devra être félicité s’il parvient à se qualifier pour les huitièmes de finale cette année. Ce sera une grande réussite pour une entité si délabrée et discréditée dans le monde entier après avoir acheté le système d’arbitrage pendant au moins deux décennies.

L’échec d’Hazard au Real Madrid et le triomphe de Viní Jr. démontrent que la force mentale est aussi importante, voire plus que le talent pour réussir au Real Madrid. Pourquoi cet aspect est-il si décisif dans le club de Concha Espina ?

Jesús Bengoechea : Parce qu’avoir de la force mentale est le seul commandement indiscutable à Madrid. Donc, si vous n’en avez pas, vous n’avez rien. Il n’y a plus de dogmes ni de principes footballistiques incontournables. Il n’y a pas de volonté de style. Le style, c’est la victoire. C’est pourquoi, si vous avez de la force mentale, à Madrid, vous vous sentez plus fort que votre qualité technique, même si cette dernière est également nécessaire, bien sûr.

Eden Hazard, ancien joueur du Real Madrid (Icon Sport)

Eden Hazard, ancien joueur du Real Madrid (Icon Sport)

Les supporters de Barcelone font passer le beau jeu avant le résultat. L’un d’eux m’a dit un jour que personne ne se souvient du Real Madrid d’Anelka, même s’il a gagné la Ligue des Champions, mais que tout le monde se souvient de la Quinta del Buitre. Que pensez-vous de cette assertion ?

Jesús Bengoechea : Le jeu de Barcelone est assez médiocre depuis quelques saisons maintenant. Cette saison, il est à la limite du grotesque. C’est incroyable à quel point ils jouent mal. Ils souffriraient donc s’il était vrai qu’ils accordent autant d’importance au beau jeu. Cependant, je suis calme pour ces derniers, car je sais que pour la grande majorité d’entre eux, le fait qu’ils fassent passer le beau jeu avant le résultat, ce n’est guère plus qu’une déclaration feinte.

Albert Ferrer, ancien défenseur du Barça, a dit un jour : « Le Real Madrid a quelque chose, quelque chose d’extraordinaire que la plupart des autres équipes n’ont pas. Cette fierté, cette foi, ce nous devons gagner parce que nous sommes le Real Madrid ». D’où vient ce gène de la victoire dans l’histoire du Real Madrid ? Y a-t-il eu quelque chose qui a contribué à l’alimenter ?

Jesús Bengoechea : Ferrer, qui est d’ailleurs un excellent commentateur de matchs, a tout à fait raison. Le gène de la victoire se transmet dans les vestiaires. Différentes générations de joueurs l’ont transmis et adapté. La courroie de transmission s’est cassée de temps en temps, bien sûr. Il a fallu des vainqueurs compulsifs tels que Raúl, Cristiano ou Mourinho pour tenir tête à l’institution et lui rappeler sa mission dans la vie, qui est de gagner, gagner et gagner encore. (NDLR : cette phrase est attribuée à Luis Aragonés mais qu’en réalité celui que l’on appelle Sage d’Hortaleza a apprise de son bon ami Alfredo Di Stéfano).

Jesús Bengoechea avec l’ancien attaquant du Real Madrid et quintuple vainqueur de la Ligue des champions, Gareth Bale.

Dans vos articles, vous dénoncez régulièrement le traitement médiatique peu flatteur du Real Madrid par As et Marca. L’anti-Madridisme fait-il autant vendre ?

Jesús Bengoechea : As et Marca parlent beaucoup du Real Madrid, ce qui fait penser à tort à beaucoup de gens qu’ils ont un parti pris madrilène. Cela se produit uniquement parce qu’ils n’ont pas pris la peine de regarder COMMENT ils parlent du Real Madrid. La vérité est qu’ils spéculent constamment sur le club, mais rarement avec une approche positive ou du moins neutre. L’accent est mis sur la recherche de problèmes qui sont généralement inventés. Ce n’est clairement pas un penchant pour le madridisme, mais tout le contraire.

À La Galerna, nous critiquons souvent As et Marca pour cela, parce que ce sont des médias écrits, comme le nôtre, et nous n’aimons souvent pas ce qu’ils font. Mais la situation à la radio et à la télévision est bien pire. La prédominance de l’anti-Madridisme est encore plus prononcée. Ce sont des médias contrôlés par Jaume Roures (le garant de Laporta à Barcelone) et par d’autres ennemis notoires du Real Madrid et/ou de Florentino Pérez.

Est-ce que l’anti-Madridisme fait vendre ?, interroge Jesús Bengoechea. Le problème se situe beaucoup plus dans l’offre que dans la demande. Le journalisme sportif en Espagne est principalement le fait des fans de Barcelone dans cette ville, et de l’Atlético de Madrid dans la capitale. Ils ne sont pas en mesure d’offrir un contenu favorable au Real Madrid, malgré le fait que leur public ou leurs lecteurs l’exigent. Ils sont génétiquement incapables de le faire, même si le sujet et le destinataire le méritent.

N’est-il pas irrationnel pour Clos Gómez de rester à la tête du VAR sachant qu’il fait l’objet d’une enquête pour avoir payé en espèces au moins 7 propriétés immobilières au comptant pendant la période Negreira ?

Jesús Bengoechea : C’est bien plus qu’irrationnel, mais merci pour la modération de la question, parce que si je m’énerve, je vais finir en prison.

Le Real Madrid a dû publier une vidéo après la conférence de presse de Laporta pour que la doxa cesse de croire que le Real Madrid était le club du régime franquiste. Pensez-vous que la mentalité des Espagnols qui n’aiment pas le Real Madrid finira par changer ? Le Real Madrid n’a-t-il pas besoin d’autres médias comme le vôtre qui défendent le madridisme et racontent la véritable histoire du club en toute objectivité ?

Jesús Bengoechea : Les années m’ont rendu de plus en plus pessimiste à ce sujet. Les gens en général ne veulent pas changer d’avis, et encore moins les anti-Madridistes les plus tenaces. Ceux qui croient que le Real Madrid est devenu grand grâce à Franco continueront à le croire, peu importe à quel point vous leur expliquerez ce que les preuves historiques disent, c’est-à-dire que le Real Madrid est devenu grand MALGRÉ Franco.

Avons-nous besoin de plus de médias comme les nôtres ? Des médias, des comptes Twitter, des YouTubeurs… Quoi qu’il en soit, ils commencent à exister. Un récit madridiste est enfin en train d’être créé pour raconter les choses telles qu’elles étaient et telles qu’elles sont. Le Real Madrid n’a pas été et n’est pas une institution parfaite, mais c’est, selon les mots d’Antonio Escohotado, la meilleure entreprise d’Espagne, et par « meilleure », nous entendons non seulement le succès, mais aussi la meilleure d’un point de vue éthique. Les gens n’ont aucune idée, par exemple, du bien que la Fondation Real Madrid, qui a dépassé le million de bénéficiaires, fait dans le monde entier.

L'antimadridisme ce fléau (Icon Sport)

En 2019, j’ai écris un article sur la limite salariale de LaLiga qui s’inspirait largement d’un article que Ramón Álvarez de Mon avait écrit sur le sujet. Dans ce document, il avait affirmé que l’Atlético Madrid n’avait pas révélé ses chiffres. Comment peut-il être si opaque ?

Jesús Bengoechea : Je ne suis pas, comme Ramón, un expert en matière des limites salariales, et je ne sais pas non plus à quel point l’Atlético Madrid est particulièrement opaque. Le football espagnol en général l’est. Les caractéristiques les plus représentatives du football espagnol sont au nombre de deux : presque rien n’est transparent, et presque tout le monde va à l’encontre du Real Madrid.

Le 21 décembre, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) rendra son verdict sur la compatibilité de la Super Ligue européenne avec le droit européen de la concurrence. L’opinion de l’avocat général, si elle n’est pas contraignante, ne ferme pas la porte à la création de la Super Ligue européenne, mais soumet la participation des clubs membres de l’UEFA à l’autorisation de celle-ci. Par conséquent, les clubs participants pourraient être exclus de la Ligue des champions.

Si les juges suivent l’opinion de l’avocat général, cela signifiera-t-il la fin du projet ? Le Real Madrid pourra-t-il continuer à rivaliser avec les clubs-États même sans la Super Ligue européenne, mais en tenant compte du fait que la participation du club à la Coupe du Monde des clubs en 2025 signifiera des revenus plus élevés pour eux ?

Jesús Bengoechea : Je suis optimiste quant à la décision de la Cour de justice européenne, mais pas au point de penser que cette décision représente l’approbation définitive du projet. Une décision positive est une condition nécessaire, mais non suffisante. Il est possible qu’il y ait une première version de la Super Ligue européenne sans les clubs de la Premier League, mais c’est une option avec des limites. Ce qui serait très bien, si la décision est favorable, c’est que l’UEFA serait obligée de s’asseoir et de discuter, au lieu d’avoir l’attitude de videur de boîte de nuit que Čeferin a eue jusqu’à présent, par peur de perdre ses avantages.

Face à la concurrence des clubs-États, le Real Madrid a adopté la stratégie de recruter des jeunes prometteurs à bas coût. Cette approche a été couronnée de succès : Viní Jr, Rodrygo et Valverde ont été activement impliqués dans l’obtention de la quatorzième Ligue des Champions du club. Le Real Madrid pourra-t-il continuer sur cette voie à l’avenir ?

Jesús Bengoechea : En tant que madridista, je suis très fier de cette stratégie. Les noms que tu cites, ainsi que Camavinga ou Militão, sont déjà des histoires à succès. Mais j’oserai ajouter d’autres projets de grands joueurs qui peuvent encore devenir des grands noms de notre histoire, comme Lunin, Brahim, Tchouaméni ou Endrick.

Oui, cela peut continuer à fonctionner, car un cercle vertueux s’est créé, c’est-à-dire que les jeunes joueurs qui peuvent arriver sont attirés par ce que les jeunes joueurs qui sont déjà arrivés sont en train de réaliser. Le rayonnement sportif du Real Madrid est toujours intact, voire plus brillant après la quatorzième (Ligue des Champions). Ces jeunes, avec l’aide d’illustres vétérans, rééditent les qualités les plus anciennes et les plus intrinsèques de l’institution, en faisant ressortir leur lustre d’antan. C’est pourquoi les jeunes les plus prometteurs voudront continuer à venir, même si on leur offre plus d’argent ailleurs. L’idée du Real Madrid comme Terre Promise du joueur de football est on ne peut plus d’actualité.

Est-ce que le phénomène saoudien est-il sous-estimé ? Čeferin n’a pas l’air de prendre ce nouveau paradigme au sérieux alors que Gabri Veiga, Neves ou encore Savic avaient encore beaucoup à apporter au football européen.

Jesús Bengoechea : Je pense qu’il a conscience que la ligue saoudienne représente un énorme danger pour le football européen. Mais les grands problèmes nécessitent de grandes solutions et le football européen ne me paraît pas enclin à trouver de grandes solutions, que ce soit par timidité, manque d’audace ou d’autres raisons. Cela demanderait un redémarrage, un remodèlement des compétitions européennes. Je ne fais pas forcément référence à la Super Ligue européenne. Cela pourrait être une compétition similaire mais il y a des réticences à s’investir pour qu’un tel projet voit le jour. Les clubs européens, par crainte de l’UEFA et les espagnols, par crainte de LaLiga et de M. Tebas. Donc, oui il y a conscience du risque que comporte le phénomène saoudien mais il n’y a pas de courage pour l’affronter.

L’Affaire Negreira étant l’un des plus grands scandales de l’histoire du sport, l’image du sport espagnol risque d’être ternie aux yeux du monde. Certains craignent que l’accord entre Sánchez et Junts, qui comprend une loi d’amnistie, ne comporte le risque que le FC Barcelone et ses dirigeants ne soient pas sanctionnés dans l’Affaire Negreira. Pensez-vous que cela soit possible ? Quelles seraient les conséquences pour le football espagnol et pour l’Espagne si cela devait se produire ?

Jesús Bengoechea : Le football espagnol est mort s’il n’y a pas de justice dans l’Affaire Negreira. Si, en outre, on s’apercevra que la raison de l’absence de justice est la question politique que tu mentionnes, alors il serait encore plus mort.

Je pense que justice ne sera jamais rendue, mais si je suis cohérent avec ce que je viens de dire, cela signifie que nous pouvons dire nos prières pour le football espagnol. Mais pas pour le Real Madrid. Le Real Madrid n’est pas le football espagnol. Il est immergé dedans parce qu’il est inscrit dans la capitale espagnole, mais il n’est pas comme les autres clubs. C’est une oasis de gestion efficace, de réussite sportive, d’ambition et de décence au milieu d’un paysage national plutôt déprimant.

Récemment, des informations sur le FC Barcelone ont été dévoilées. Elles révèlent que si le club catalan est condamné dans l’Affaire Negreira, les prêts bancaires qui lui ont été accordés devront être remboursés immédiatement, avec toutes les conséquences que cela implique. Le Real Madrid peut-il vraiment se passer du Barça en Liga, même temporairement ?

Jesús Bengoechea : Cela n’arrivera pas, mais ce ne serait pas un drame si le Barça, en punition du plus grand scandale de l’histoire du football espagnol, passait une saison ou deux en deuxième division. Son rôle de grand rival du Real Madrid pourrait être assumé par l’Atlético Madrid ou Gérone, le nouveau club pétrolier. Ils passent quelques années en deuxième division, ils obtiennent légalement leur promotion et nous nettoyons le tableau. Je ne sais pas si cela répond à la question.

Pourquoi Jaume Roures peut-il être à la fois partenaire du Barça et propriétaire des droits télévisés de LaLiga, avec tous les excès que cela peut comporter ?

Jesús Bengoechea : Je me demande exactement la même chose.

Lorsque Florentino Pérez a pris les rênes de l’équipe en 2009, vous attendiez-vous à ce que le Real Madrid connaisse autant de succès, alors que le Barça venait de réaliser un triplé historique et semblait intouchable ?

Jesús Bengoechea : Non, franchement. Il a dépassé les meilleures prévisions. Le grand visionnaire était Bernabéu, mais Florentino a suivi son chemin. Et suivre la voie de Bernabéu au 21e siècle peut avoir le même (ou plus de) mérite que d’être Bernabéu au 20e siècle.

Au-delà de ses succès sportifs, Florentino Pérez a fait du Real Madrid un modèle de gestion économique. Mais ce que j’admire le plus, c’est l’aspect institutionnel. La gestion de la pandémie, du CVC, des dossiers Negreira et Rubiales m’amène à penser que c’est l’une des meilleures gestions institutionnelles de l’histoire du sport, si ce n’est la meilleure. En effet, le Real Madrid s’est séparé de plusieurs joueurs (Reguilon, Hakimi) qu’il aurait conservés si la pandémie n’était pas intervenue. Quant au CVC, il n’a pas cédé à l’aspect pécunier à court terme de l’accord, mais s’est plutôt concentré sur l’avenir à long terme du club.

Enfin, en ce qui concerne les affaires Negreira et Rubiales, il a su adopter le calendrier parfait pour émettre ses communiqués et en ne s’octroyant pas de prérogatives qui ne sont pas les siennes, contrairement à d’autres clubs. Redoutez-vous le jour où Florentino Pérez ne sera plus le Président du Real Madrid ? Comment imaginez-vous le Real Madrid sans lui ? Comment va-t-il évoluer ?

Jesús Bengoechea : Je suis tout à fait d’accord avec votre résumé. Oui, bien sûr, je redoute le jour où il ne sera plus là. Mais je sais aussi qu’il laisse tout tellement sur la bonne voie que, plus tard, une personne dans sa continuité raisonnable suffira à maintenir les choses sur la bonne voie.

Le centre des terrains de football du Real Madrid vient d’être rebaptisé en l’honneur de Florentino Pérez. Pensez-vous que cet hommage a lieu maintenant parce que Pérez ne se représentera pas en 2025 ?

Jesús Bengoechea : Je ne sais pas s’il se présentera en 2025, mais en tout cas ce nouveau nom de la Ciudad Deportiva n’a rien à voir là-dedans. Elle a eu lieu en réponse à une initiative de 10% des socios compromissoires, comme le stipulent les statuts. Et ces socios ne connaissent pas non plus l’avenir de Florentino.

Florentino Perez during the Presentation of the new Santiago Bernabeu stadium on 2nd April 2019 Photo : Marca / Icon Sport

La Cantera madrilène est le plus grand pourvoyeur de joueurs en Liga. Alors qu’il entraînait le FC Barcelone, Pep Guardiola n’avait pas hésité à affirmer que la Cantera madrilène était excellente. L’explosion de Miguel Gutiérrez à Gérone laisse songeur. Depuis Carvajal, aucun joueur de la Cantera ne s’est imposé en première équipe. Existe-t-il un manque de talent ou est-ce dû à un manque d’opportunité ?

Jesús Bengoechea : En effet, la Cantera madrilène est le plus grand pourvoyeur de joueurs de LaLiga et le centre de formation espagnol qui en fournit le plus aux 5 principales ligues européennes il me semble. C’est une grande Cantera et comme tu le soulignes très justement, Guardiola lui-même et d’autres personnalités barcelonaises ont affirmé qu’elle formait de grands joueurs mais que le Barça les fait jouer et pas le Real Madrid. Et je suis d’accord avec eux.

Pourquoi en est-il ainsi ? Parce qu’à Barcelone, il y a une culture de les faire jouer et pas à Madrid. A tort ou pas, je crois que le Real Madrid n’a jamais ressenti le besoin de faire appel autant à la Cantera que ne le fait le Barça. Peut-être qu’il aurait dû le faire à une autre époque mais il considérait qu’il avait assez avec les transferts qu’il effectuait ainsi qu’avec les quelques canteranos qui émergeaient de temps en temps. Cela rejoint ce que Camacho avait dit concernant les canteranos, qu’il fallait qu’ils soient vraiment excellents pour qu’ils puissent accéder à la première équipe.

Il convient également de relever que le FC Barcelone fait de la nécessité une vertu et lorsqu’il y a une crise économique, le Barça fait appel à La Masia. Du côté de Madrid, cela fait longtemps qu’il n’y a pas eu de grave crise économique. Le Real Madrid est excellent dans sa politique de formation, mais il n’a pas pour priorité que ses canteranos triomphent en équipe première. La Cantera du Real Madrid est plus une source de revenus économique qu’autre chose. Le Real Madrid vend ses canteranos et génère beaucoup d’argent avec leur vente. C’est une philosophie autant respectable que celle du Barça et elle ne lui a pas mal réussie.

Xabi Alonso réalise le meilleur début de saison de l’histoire de la Bundesliga et fait l’unanimité auprès de tous les observateurs. D’après mes informations, il aurait refusé plusieurs offres saoudiennes cet été en leur rétorquant qu’il entamerait bientôt un nouveau projet qui lui tenait à cœur. Peut-il réellement devenir le Ferguson du Real Madrid ? Quelqu’un le peut-il sachant que la culture madrilène est très (peut-être trop) axée sur les résultats et que Pellegrini, Mourinho et Ancelotti (lors de son premier passage), ont dû s’en aller pour ne pas avoir remporté de titre durant une saison ?

Jesús Bengoechea : Xabi Alonso plaît beaucoup au club. Il a des adeptes dans les hautes sphères de ce dernier. Ce n’est pas surprenant sachant qu’il est en train de réaliser une saison spectaculaire avec Leverkusen et qu’il connaît parfaitement la maison madrilène. Cela ne me surprendrait pas qu’il soit l’élu dans le cas où Ancelotti partirait à la fin de la saison, chose qui n’est pas certaine. Par rapport au projet qui lui tient à cœur, il pouvait parfaitement aussi faire référence à Liverpool et au Bayern Münich. Lorsqu’il a refusé l’Arabie saoudite, il l’a fait soit pour le Real Madrid, le Bayern Münich ou Liverpool. Un des trois.

Quant au fait qu’il puisse devenir le Ferguson du Real Madrid, j’en doute fortement. Je ne dis pas que c’est impossible, mais le Real Madrid n’a jamais eu de Ferguson et je pense que cela n’a pas été le cas pour la raison que tu invoques. L’exigence est maximale et je n’ai pas le souvenir d’un entraîneur qui ait survécu à une saison sans titre. Le seul qui aurait pu aspirer à être le Ferguson du Real Madrid en son temps était Ancelotti mais il n’a plus l’âge pour l’être. Je doute fortement qu’un jour quel qu’entraîneur que ce soit puisse être le Ferguson du Real Madrid, même pas Xabi Alonso, mais il ne faut pas non plus l’écarter.

Quelles sont les valeurs que le Real Madrid représente le mieux et dont chacun peut s’inspirer dans sa vie ?

Jesús Bengoechea : Ne jamais abandonner, comme tout le monde le sait. Il est universel, apolitique, non dogmatique, indépendant, ferme. Il ne considère pas la défaite comme une option. Et il ne remarque pas les occasions de buts manqués. Il regarde vers l’avant et ne pense qu’à marquer le prochain but.

 

Interview réalisée par Gjon Haskaj avec l’aide d’Helena à la traduction

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