Le Frente Atlético est un groupe ultra qui supporte l’Atlético de Madrid. Il a été créé en 1982, est extrêmement décrié et controversé. En 1998, l’un de ses membres a assassiné Aitor Zabaleta, un supporter de la Real Sociedad, suscitant un vif émoi en Espagne. En 2014, c’est un supporter du Deportivo La Coruña, Javier Romero Taboada, qui a perdu la vie suite à une rixe entre des membres du Riazor Blue, le groupe ultra du club galicien, et du Frente Atlético.
Plus récemment, quatre membres du Frente Atlético ont été condamnés pour avoir suspendu une effigie de Vinícius Júnior à un pont. En avril 2024, lors d’une rencontre entre l’Atlético et l’Athletic Club, plusieurs personnes du groupe ultra en question ont proféré des insultes racistes contre Nico Williams.
La saison dernière, lors du derby au Cívitas Metropolitano, des supporters appartenant à leur organisation ont lancé des objets en direction de Thibaut Courtois après le but d’Éder Militão. Ces jets ont provoqué une suspension temporaire du match pendant 15-20 minutes. Selon une étude interne de la Liga, le Frente Atletico a été à l’origine de 142 incidents entre les saisons 2015-16 et 2022-23.

La suppression du statut de peña du Frente Atlético empêche son exclusion en tant que groupe
Après le décès du supporter du Deportivo de La Coruña, l’Atlético de Madrid avait émis un communiqué dans lequel il indiquait exclure le Frente Atlético des peñas officielles et qu’il cesserait toute relation avec le groupe en question. Bien que cela puisse paraître invraisemblable, cette exclusion est la cause principale du fait que ce groupe de supporters ne puisse être interdit d’entrée au Cívitas Metropolitano par le club.
Effet, après les incidents lors du dernier derby de Liga dans l’antre de l’Atlético, le club colchonero avait avancé l’impossibilité de sanctionner le Frente Atlético en tant que groupe à Relevo : « Ce n’est pas une peña du club, c’est une entité privée qui ne peut être sanctionnée en tant que groupe tant qu’il n’y a pas, individuellement, de plaintes ou de participations avérées à des actes criminels ».
En outre, même si le club agit contre les actes individuels illégaux perpétrés au sein de son stade lorsque les circonstances l’exigent, il affirme que la loi l’empêche d’exclure les membres du Frente Atlético qui n’ont pas d’antécédents liés à des actes illégaux (pas uniquement liés au football) pour le simple fait d’appartenir au groupe en question :
« Nous ne pouvons pas expulser 200 personnes du stade parce que quelqu’un pense qu’elles appartiennent à un certain groupe ou parce qu’elles portent un certain t-shirt. L’image peut être horrible, mais il faut qu’un crime ait été commis pour que des mesures soient prises », avait confié un porte-parole du club à The Athletic après l’incident concernant Courtois. Les ultras se rendent donc au Metropolitano en toute normalité, mais sans jamais arborer un signe qui pourrait faire en sorte qu’ils soient reconnus en tant que groupe.
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Le Frente Atlético et le club : une relation ambiguë
Toutefois, plusieurs médias espagnols estiment que ces éléments servent d’excuses à l’Atlético mais que son intention réelle n’est pas d’exclure le groupe, quand bien même il en aurait la possibilité. À ce titre, les déclarations du président du club avant une rencontre de Coupe du Roi face au Real Madrid, seulement quatre semaines après le décès de Javier Romero Taboada et la suppression du statut de peña pour le groupe, laissent entrevoir cette possibilité : « Le Frente sera bien accueilli s’il se comporte comme il se doit ».
Le média El Confidencial affirme que l’intention derrière ces déclarations d’Enrique Cerezo était le retour du Frente Atlético au stade après que le virage sud de ce dernier se soit retrouvé vide lors de plusieurs rencontres consécutives. Les faits corroborent ce postulat. En effet, le groupe occupe le secteur dédié à l’animation au Cívitas Metropolitano, où il organise des chants ainsi que des tifos lors des grands matchs.
Les événements lors du dernier derby de Liga dans le stade de l’Atlético de Madrid est venu encore un peu plus mettre en exergue l’ambiguïté qui existe entre le Frente Atlético et le club. Durant la suspension de la rencontre, Koke, Gimenez et Simeone sont allés discuter avec eux afin de les apaiser et à la fin de la rencontre, l’équipe a célébré le nul en communion avec le groupe.

Seule une poignée de membres pose réellement problème
Un policier spécialisé dans l’antiviolence des ultras et un membre du Fondo Sur, qui s’étaient confié à Relevo après l’incident de septembre 2024, coïncidaient sur le fait que, parmi plusieurs milliers de membres du Frente Atlético présents dans Cívitas Metropolitano seuls environ 200 d’entre eux sont dangereux et problématiques.
Le membre du Fondo Sur en question estime que l’écrasante majorité des personnes qui composent le gradin d’animation sont pacifiques et blâme le club pour la présence des fauteurs de troubles : « Au Bernabéu, ils disent avoir éliminé les Ultras Sur, mais ils sont toujours là. Ils sont tous là, mais dispersés. Et c’est pareil au Camp Nou. Ici, le seul problème est que dans le gradin d’animation de l’Atlético, ces 200 personnes s’immiscent. C’est la faute du club, qui devrait prendre cela très au sérieux et essayer de contrôler ces 200 personnes, mais on ne peut pas généraliser à l’ensemble du gradin ».
Quant à lui, le policier spécialisé dans l’antiviolence des ultras voit une autre raison que la nécessité de remplir le Fondo Sur dans la complaisance du club à l’égard du Frente Atlético : « Je ne sais pas si c’est pour une raison purement physique, à cause de menaces ou quelque chose comme ça (ce que je ne pense pas), ou pour une question de masse sociale et d’animation dans le stade, mais j’ai l’impression qu’à l’Atlético de Madrid, ils ont encore peur du Frente Atlético ».
Cette hypothèse n’est à notre sens pas à exclure, Florentino Pérez et Joan Laporta ayant payé un lourd tribut pour l’exclusion des groupes ultras. Ils ont tous deux été harcelés et menacés après leur décision. La tombe de la femme de Pérez a même été profané. Quant à Laporta, sa maison a été taguée, il a dû déménager à 15km de Barcelone et être escorté par un garde du corps.
La capacité à commettre des actes de violence des groupes ultras n’est donc pas à minimiser, tant s’en faut. Nonobstant, quelles que soient les raisons de l’inaction des dirigeants de l’Atlético de Madrid à l’égard du Frente Atlético, ce groupe porte préjudice à l’écrasante majorité des supporters colchoneros, qui assiste aux rencontres de leur équipe favorite en toute quiétude, ainsi qu’au football espagnol de manière globale.