Ancelotti est à une finale du Panthéon : rendons à Carlo ce qui est à Carlo

Le Real Madrid est à une finale de réaliser son 3ème doublé Liga-Ligue des champions au 21ème siècle. Ce doublé, s’il vient à se concrétiser, serait plus historique et méritoire que les deux autres. Le mérite de ce succès revient en grande partie à Carlo Ancelotti et son fils.

Real Madrid

Conspué après la débâcle de l’Etihad au printemps 2023, l’entraîneur transalpin a donné raison aux dirigeants du Real Madrid qui avaient décidé de le maintenir en poste malgré une honteuse et douloureuse défaite.

Lors de cette dernière, Ancelotti avait été pointé du doigt pour son manque criant de méritocratie dans sa composition d’équipe. Rüdiger avait été laissé sur le banc malgré une prestation de haut vol lors du match aller. Même si ce point est encore perfectible cette saison, Ancelotti a su faire preuve d’ingéniosité pour faire face aux écueils qui se sont présentés à lui.

La réussite du système en losange

L’été passé, après le départ de Benzema, l’on s’attendait à ce que ce dernier soit remplacé par une recrue. Pas forcément qualitativement mais au moins numériquement. Il n’en a rien été. Ancelotti a rapidement compris durant l’été qu’il devrait faire la saison avec Joselu comme seul avant-centre de formation.

Loin de se laisser désarçonner, Ancelotti a retroussé ses manches. Il s’est évertué à utiliser au mieux les forces en présence afin de compenser le déficit de buts qu’a eu pour corollaire le départ de Benzema. Jude Bellingham, transfuge phare du mercato estival et milieu relayeur de formation, s’est vu propulser au poste de meneur de jeu dans un milieu en losange, avec le succès que l’on connaît.

L’apport du jeune international anglais en termes de buts cette saison a surpris la doxa mais pas les observateurs les plus avertis. En effet, déjà à Dortmund, Bellingham avait démontré être doté d’une excellente aptitude de finisseur et Ancelotti a su l’exploiter à merveille.

Même si Vinicius Jr. a eu de la peine à s’adapter à son nouveau poste d’attaquant excentré, Ancelotti a persisté sur le fait de ne pas revenir au 4-3-3 de la saison précédente et bien lui en a pris. Dès la mi-janvier, le Brésilien est devenu irrésistible au retour de sa deuxième blessure de la saison, dans la lignée de ce qu’il avait laissé entrevoir avant cette dernière contre Valence.

Des blessures à foison et plusieurs changements tactiques en cours de saison

Les blessures, parlons-en. Outre les deux de Vinicius qui lui ont fait manquer 13 rencontres, Camavinga a manqué 10 rencontres de mi-novembre à début janvier et Tchouaméni 11 de fin octobre à mi-décembre.

Ces indisponibilités sont venues s’ajouter à celles de longue durée de Courtois, Militão et Alaba pour rupture du ligament croisé mais également pour déchirure du ménisque concernant le premier cité. Ces trois joueurs formaient le triangle axial défensif titulaire la saison dernière : le gardien et la charnière centrale.

Lorsqu’Alaba s’est blessé à mi-décembre, aucun défenseur central n’a été recruté durant la trêve hivernale, ne laissant que Rüdiger et Nacho comme centraux de métier à disposition d’Ancelotti. En outre, le capitaine du Real Madrid n’était plus aussi fiable qu’auparavant. Face à ces circonstances, Ancelotti a réussi à convaincre Tchouaméni de descendre d’un cran comme il l’avait fait auparavant avec Camavinga pour le poste de latéral gauche.

Les blessures successives de Tchouaméni et Camavinga ont permis à Kroos de définitivement retrouver son statut de titulaire indiscutable au sein de l’entre-jeu madrilène. L’Allemand avait débuté la saison sur le banc et avait progressivement obtenu plusieurs titularités avant ces blessures. Le principal corollaire de cet état de fait a été l’abandon du 4-4-2 en losange pour un 4-2-2-2 ou un 4-3-1-2. Une fois de plus, Ancelotti a su faire preuve de flexibilité et a su adapter son système au gré de l’état de forme de ses forces vives.

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Des matchs médiocres et une Supercoupe d’Espagne à ne pas minimiser

Cependant, tout n’a pas toujours été rose durant la saison. La défaite au Civítas Metropolitano face au rival de la capitale (3-1), la seule de la saison en Liga et la seule dans le temps réglementaire toutes compétitions confondues, était venue sanctionner le manque de rigueur des hommes d’Ancelotti lors de leurs débuts de matchs depuis le début de la saison.

L’attitude affichée face à Leipzig, à l’aller mais surtout au retour était indigne du Real Madrid. Les Allemands font partie selon nous des meilleures équipes d’Europe sur l’année 2024. Soit. Mais la frilosité affichée par Ancelotti tant dans sa composition de départ que sur le terrain et l’agonie pour obtenir la qualification au match retour ont laissé perplexes de nombreux observateurs.

Il faut dire que l’image montrée en Liga depuis le dernier match de l’année 2023 à Alavés était inquiétante. Le Real Madrid gagnait certes mais de manière très poussive comme lors de la victoire controversée 3-2 au Santiago Bernabéu face à Alméria.

Malgré cela, Ancelotti a toujours su faire en sorte que ses hommes répondent présents lors des moments importants. En Supercoupe d’Espagne, les Madridistas ont éliminé l’Atlético Madrid en prolongations avant de balayer le FC Barcelone en finale (4-1). Ce titre ne doit pas être minimisé. En effet, une défaite dans cette compétition peut avoir un impact très négatif.

Ernesto Valverde s’était fait licencier en 2020 suite à la défaite de son Barça en demi-finale de Supercoupe d’Espagne face à l’Atlético Madrid. Sans parler des rumeurs qui circulaient dans la presse sur une possible destitution du propre Ancelotti suite à la défaite en finale face au Barça en 2023.

Victoires lors des « finales » de LaLiga et des rencontres d’anthologie face aux cadors européens

Ensuite, lors des deux matchs décisifs face à Gérone pour l’obtention de LaLiga, Ancelotti n’a ni plus ni moins qu’infligé un 7-0 cumulé à Michel, coach révélation de la saison. En Ligue des champions, face à Manchester City et le Bayern Münich, Ancelotti a tenu la dragée haute aux Cityzens.

A l’aller, la rencontre aurait dû se solder par une nette victoire madrilène si Lunin n’avait pas offert un but et si les offensifs avaient fait preuve de plus de réalisme. Au retour, l’entraîneur italien a offert une partition défensive parfaite qui a impressionné de nombreux observateurs.

La double confrontation face au Bayern Münich s’est avérée paradoxale. Les Bavarois ont inscrit leurs trois buts contre le cours du jeu et l’équipe d’Ancelotti s’est montrée fébrile sur les transitions adverses. A l’aller, le schéma en 4-3-1-2 a montré ses limites. Valverde devant couvrir constamment le latéral droit, Bellingham s’est retrouvé bien seul à l’heure de presser le double pivot adverse.

Le Real Madrid a donc été dominé durant la première période et Ancelotti critiqué pour son approche qualifiée de frileuse. Nous trouvons ces critiques quelque peu exagérées. En effet, Ancelotti a mis en place un système dans lequel Valverde aide constamment Carvajal dans ses tâches défensives. Face à une forte adversité, cela bride Valverde qui peine des fois à se projeter offensivement ou à faire le pressing assez haut sur le terrain.

En conséquence, au match retour, Ancelotti a demandé à ses hommes de presser plus haut sur le terrain et d’être bien plus entreprenants. Malheureusement, ces derniers ne sont pas parvenus à marquer et ont encaissé un but sur contre-attaque. Sans une surprenante bévue de Neuer, les Madridistas n’auraient probablement pas atteint la finale.

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Le rôle de son fils et une finale pour s’inscrire encore plus au Panthéon

Davide Ancelotti a été l’instigateur des changements de Brahim Díaz et Joselu lors du match retour face au Bayern Münich. Ces deux changements se sont avérés décisifs. L’attaquant espagnol a inscrit un doublé d’anthologie et l’Hispano-marocain a provoqué le corner qui a amené à la deuxième réussite dudit doublé.

A Manchester, c’est lui qui a choisi les tireurs pour la séance de pénaltys face à City. Avec Lucas Vázquez, Nacho et Rüdiger parmi les tireurs, il était impossible pour l’équipe adverse de préparer Ederson tant les chances que ces trois joueurs figurent parmi les tireurs étaient ténues. Le fils d’Ancelotti, auquel Relevo a récemment consacré un article, est plus audacieux que son père. Les deux se complètent à merveille. Davide est très important dans la gestion de l’effectif, notamment des remplaçants.

Carlo Ancelotti est à une finale de remporter sa 5ème Ligue des champions en tant qu’entraîneur. Un chiffre qui serait difficile à égaler. Pour ce faire, il devra déjouer la merveilleuse équipe du Borussia Dortmund qui n’a pas perdu cette saison face au Bayer Leverkusen, l’ogre de la Bundesliga.

Alors que beaucoup ne donnaient pas cher de sa peau avant le début de la saison, l’entraîneur transalpin est à un match de réaliser une saison historique. Historique tant les moyens à sa disposition ont été faméliques et les circonstances peu favorables. L’Italien a su faire preuve d’introspection, de caractère et de force mentale pour en arriver là. Bel exemple de résilience.

 

Gjon Haskaj