La spectaculaire mue de Bellingham : de meneur de jeu à meneur d’hommes

A l'aube de sa première finale de Ligue des champions, disputée face à son ancien club, Bellingham a su maintenir son influence sur les résultats du Real Madrid en dépit de statistiques moins impressionnantes qu'en début de saison. L'illustration d'un joueur au caractère tranchant, dont la personnalité hors-norme détonne pour son jeune âge.

Bellingham célébrant avec les supporters face à Cadix.

Un premier millésime digne d’un grand cru. Qui aurait pu prédire l’acclimatation aussi rapide d’un Britannique formé sous l’inénarrable pluie de Birmingham ? Davantage habitué au froid saisissant du centre de l’Angleterre qu’à l’aridité de la capitale espagnole, Jude Bellingham a surpris plus d’un observateur par la célérité de son adaptation. Le climat madrilène, parfois rude, ne lui a pourtant fait aucun cadeau. L’enveloppe massive de 103 millions d’euros déboursée par la Maison Blanche à l’été 2023 aurait pu peser sur la progression du milieu de terrain de 20 ans. A défaut de l’alourdir, cette somme l’a propulsé au premier rang des joueurs-stars à la vélocité redoutable.

Aux côtés de Vinicius Jr et Rodrygo, avec lesquels il s’entend à merveille, Jude Bellingham a d’abord prouvé sur le pré : après 15 rencontres toutes compétitions confondues, l’Anglais avait inscrit plus de buts (14 réalisations) que n’importe quel autre joueur dans l’Histoire du Real. Même Cristiano Ronaldo n’a pas fait mieux. Cette anormalité statistique, qui ne pouvait durer, a progressivement laissé place aux autres facettes du meneur de jeu merengue.

 

Un jeu sans ballon déterminant

 

Si, au cours de l’hiver, Jude Bellingham a semblé marquer le pas comptablement, son impact sur les succès des Merengues n’a guère reflué. Courses entre les lignes, orientation de son corps, pressing ciblé : tout chez lui aspire vers l’offensive. Un aimant qui tente constamment d’entraîner ses coéquipiers vers la cage adverse. Car si le Britannique ne peut lui-même inscrire son nom au tableau de marque, ni même délivrer une passe décisive, il demeure cette assurance-vie physique et mentale pour qui chaque effort compte.

C’est ainsi qu’à la 115e minute du quart de finale retour de Ligue des champions, en plein coeur d’un Etihad Stadium prêt à rugir, Bellingham parvint à maîtriser ses nerfs. Tout était pourtant réuni pour que l’inexpérimenté numéro 5 craque. Atmosphère étouffante, rencontre harassante, adversité menaçante… Autant de paramètres délicats à gérer pour un joueur sevré de ballons ce soir-là. Mais sa précocité n’a d’égale que sa capacité à gérer les moments incandescents. Au bord de la rupture, la Casa Blanca n’a pas flanché, et c’est en partie grâce à lui. En intimant à ses partenaires de se replacer, en les haranguant comme si l’arbitre venait de siffler le début de la seconde période, Jude Bellingham a diffusé un vent de résilience décisif à quelques secondes de la fin. Ce 17 avril, face à Manchester City dans son antre, l’ancien joyau de Dortmund a fait montre de coeur et d’opiniâtreté. Et de courage, il en faudra quantité au moment de croiser le fer avec son ancienne maison, ce 1er juin.

 

Dortmund, miroir de son évolution

 

En fin de saison dernière, le Borussia avait dit au revoir à son milieu fétiche sur une note bien triste. Au coude-à-coude avec le Bayern Munich en Bundesliga, Dortmund échouait au goal-average particulier dans sa lutte pour le titre. Lors de la dernière journée, Jude Bellingham, blessé, n’avait pu défendre ses couleurs. Pour sûr, cette épreuve a fait mûrir l’homme et le joueur. Conscient de son importance dans l’ossature madrilène, le Britannique a soigné sa fin de saison pour se présenter sous son meilleur jour à Wembley, malgré une épaule endolorie depuis plusieurs mois. Bellingham n’a démarré que 4 des 8 derniers matches, la faute à un Carlo Ancelotti soucieux de faire souffler son maître à jouer.

« J’attends cette finale avec impatience. Je vais l’aborder sans émotion particulière », confiait en début de semaine le fraîchement nommé meilleur joueur de la saison en Liga. A quelques heures du premier rendez-vous capital de sa carrière, Bellingham sait qu’il tient une occasion en or de démontrer qu’un milieu moderne peut briller au-delà des chiffres et des arabesques. Car le plus fou avec Jude, auteur de 19 buts et 6 passes décisives cette année, c’est sans doute que son charisme footballistique éclipserait presque des statistiques extraordinaires. Pour sa der’ avec le Real Madrid, Toni Kroos ne pouvait rêver meilleur compagnon de route.

Tanguy Soyer.