Les années de Benzema au Real Madrid, partie 2 : la consécration

par | 23/06/2023 - 16:06 | 0 commentaires

Lors de la 1re partie de la rétrospective du passage de Benzema au Real Madrid, la chute mettait en exergue sa dernière saison sous Mourinho.

Benzema avait démontré d’excellentes aptitudes de passeur décisif et que les saisons qui allaient suivre allaient confirmer cette facette peu connue de l’attaquant français. En effet, loin d’estimer que Cristiano Ronaldo lui faisait de l’ombre eu égard aux statistiques affolantes de ce dernier, Benzema était conscient de l’aura et de la médiatisation dont jouissaient Cristiano Ronaldo et Gareth Bale et de leur capacité et rôle d’ailier-buteur.

Plutôt que de s’ingénier à s’engager dans une course aux buts marqués avec ses compères de l’attaque, celui qui était affectueusement surnommé « Coco » dans son quartier a préféré se mettre au service du collectif en assumant un rôle moins visible et patent mais néanmoins crucial pour la cohésion de l’animation offensive de l’équipe.

Dès 2011, Zidane avait remarqué cette facette du registre de Benzema lors d’un match de ce dernier face au Brésil et n’avait pas manqué de l’exprimer publiquement. Dès son intronisation en tant qu’entraîneur du Real Madrid, Zidane l’exploitera et en faire une arme redoutable.

Consécration avec Ancelotti

Avec les départs de Kaká, Özil et Higuaín ainsi que les arrivées d’Isco et Gareth Bale, Benzema se voit propulsé au centre – mais pas à la pointe –, d’une ligne d’attaque dont beaucoup rêvaient : Cristiano Ronaldo – Benzema – Bale. La fameuse « BBC ». Surfant sur son excellente performance de dernier passeur de la saison précédente, Benzema, plutôt que d’être obnubilé par le but, a continué à privilégier le collectif, n’hésitant pas à pourvoir les flèches portugaises et galloises qui évoluaient sur les côtés. Carlo Ancelotti, immédiatement subjugué par l’attaquant français, lui a accordé une confiance indéfectible et ce dernier lui a bien rendu.

En demi-finale aller de Ligue des champions au Santiago Bernabéu, le Real Madrid était fortement malmené, et c’est un euphémisme, par un Bayern Münich emmené par l’excellent Arjen Robben. Contre le cours du jeu, Benzema avait inscrit le seul but de la rencontre et permis aux siens d’aborder le match retour en terres bavaroises avec une longueur d’avance.

Lors de la deuxième manche, Benzema a été l’un des artisans d’un contre d’anthologie à l’Allianz Arena qui restera à jamais dans toutes les mémoires des amoureux du football. Lors de celui-ci, Benzema a effectué une remise déterminante pour Gareth Bale que très peu (ou aucun ?) avant-centre n’aurait pu réaliser à l’époque. La réalisation de cette merveille de contre-attaque a également signifié la fin des espoirs bavarois de recoller au score dans l’éliminatoire de la demi-finale retour de Ligue des champions.

Lors de la saison 2014-2015, « KB9 » a prouvé que malgré son nouveau rôle au sein de l’attaque, il n’en demeurait pas moins un finisseur d’exception. Lors du premier Clásico de la saison, Karim s’est distingué un inscrivant un nouveau but extraordinaire. À la suite d’un contre de ses coéquipiers, et alors que le ballon se trouvait dans les pieds de James Rodríguez, Karim Benzema ne pouvait pas effectuer un meilleur appel de balle au milieu offensif colombien avec lequel il s’entendait d’ailleurs à merveille. La qualité de passeur du gaucher madrilène étant ce qui se faisait de mieux à l’époque, il n’est pas étonnant que Benzema ait reçu une offrande à la hauteur de son appel.

En sus de son appel, sa finalisation de l’action ne pouvait également pas être meilleure. Même si de nombreux entraîneurs enjoignent leurs attaquants à privilégier le premier poteau du gardien de but lors de face-à-face, la promptitude de la frappe sans contrôle et le degré de croisement de la frappe de l’attaquant français n’ont laissé absolument aucune chance au portier catalan.

Confiance indéfectible de Zidane

Après le bref intermède Rafa Benitez, Zinédine Zidane était venu à la rescousse d’un Real Madrid à la dérive. Même s’il continuait de faire confiance au trio Ronaldo-Benzema-Bale jusqu’à la fin de la saison 2015-2016, Zidane n’avait pas hésité à reléguer Gareth Bale et James Rodríguez au second plan et d’installer Cristiano Ronaldo et Benzema à la pointe de l’attaque, avec Isco chargé de faire le liant entre eux et la CMK. Bien plus qu’un duo complémentaire sur le plan offensif, les deux meilleurs buteurs de l’histoire du club ont également eu un rôle fondamental et bien trop sous-estimé quant à leur apport sur le plan défensif.

En effet, le Français et le Portugais, par leur placement coordonné, bloquaient systématiquement les relances des défenseurs adverses vers les milieux. Ils n’hésitaient pas à déclencher le pressing au moment opportun. À ce titre, le mérite en revient à Zinédine Zidane et démontre qu’il était bien plus qu’un « aligneur », sobriquet peu flatteur dont il était quelques fois affublé par ses détracteurs.

Concernant la concurrence, Álvaro Morata n’a pas démérité lors de la saison 2016-2017, contribuant également au doublé Liga – Ligue des champions. Toutefois, comme il l’a reconnu lui-même après son départ la saison suivante, Zidane ne l’a jamais titularisé lors d’un match d’importance, que ce soit en Liga ou en Ligue des champions. Conscient que cet état de fait n’était pas amené à se commuer à court terme, le canterano avait préféré orienter sa carrière du côté de Londres laissant au passage la somme rondelette de 80 millions d’euros dans les caisses du club de Concha Espina.

L’attaquant français d’origine kabyle a été déterminant dans l’accession à la finale de Cardiff. Lors de la demi-finale retour fratricide de Ligue des champions au Vicente-Calderón, les hommes de Zidane ont rapidement dilapidé le large avantage qu’ils avaient obtenu à l’aller (3-0). En effet, après 16 minutes, l’Atletico Madrid menait déjà 2-0 et l’inquiétude commençait à apparaître chez les supporters merengues.

À la 42e minute, Karim Benzema a été l’auteur d’une action qui, à défaut de trouver sa place au Musée du Prado comme le souhaiterait Florentino Pérez, restera assurément à jamais au Panthéon de l’histoire du football. En se défaisant de 3 défenseurs adverses sur le côté gauche de l’attaque, Benzema n’a pas seulement crée une supériorité numérique et une situation dangereuse après sa passe pour Toni Kroos :

Les 3 joueurs qu’il a mis dans le vent coupaient un hypothétique hors-jeu d’Isco lorsque ce dernier a profité puisque Oblak ait repoussé la frappe de Toni Kroos sur lui pour réduire la marque à 2-1. Avec ce but, Simeone et ses hommes étaient tenus d’inscrire deux buts supplémentaires afin d’accéder à la finale de Cardiff. Nonobstant, le score n’a plus bougé. Lors de ladite finale, Karim n’a pas marqué mais a participé à la magnifique action qui a amené à l’ouverture du score de Cristiano Ronaldo.

2017 à 2018 : saison apocalyptique, mais un final en apothéose

Auteur d’un somptueux enchaînement lors du match retour de Supercoupe d’Espagne face au FC Barcelone, lors de l’un des matchs les plus aboutis de l’ère Zidane, « KB Nueve » avait démarré la saison tambours battants. Propulsé leader d’attaque pour les débuts du Real Madrid en Liga suite à la ridicule expulsion de Cristiano Ronaldo (mais qui n’est désormais plus surprenante) au Camp Nou lors du match aller de Supercoupe d’Espagne, Karim Benzema a déçu les attentes placées en lui.

Ne parvenant pas à concrétiser des occasions nettes, ce qui ne lui ressemblait pas, Benzema a commencé à faire apparaître des critiques à son encontre de la part des supporters. Même après le retour de Serresiete, Karim paraissait apathique et peu à son affaire.

Le poste d’attaquant peut s’avérer cruel et impitoyable mais certaines fois également injuste. Frédéric Bastiat, grand économiste français disait qu’en économie « il y a ce que l’on voit et ce que l’on ne voit pas« . Nous estimons que l’on peut faire une belle analogie avec le poste d’attaquant dans le football. Ce qui se voyait était les occasions faciles que Benzema manquait mais ce qui ne se voyait pas est que beaucoup d’autres attaquants n’auraient même pas été capables de se créer lesdites occasions.

Benzema était très décrié et malgré cela, Zidane le maintenait dans tous ses 11 de départs contre vents et marée. L’entraîneur aux 3 Ligue des champions en 2 ans et demi a fini par céder. Lors du match aller de demi-finale de Ligue des champions à l’Allianz Arena face au Bayern Münich de Jupp Heynckes, Zinédine Zidane a laissé Benzema sur le banc et a démarré la rencontre avec Cristiano Ronaldo en pointe, accompagné d’Asensio et Lucas Vazquez.

Lors du match retour, le natif de Bron a retrouvé sa place dans le 11 et a été le sauveur du Real Madrid, celui qui a permis au merengues d’accéder à la finale de Kiev. Alors que lui et ses coéquipiers ont rapidement été menés au score, Karim Benzema n’a pas tremblé à l’heure de transformer le centre à la précision chirurgicale de Marcelo, venant ponctuer une action collective de grande classe.

En seconde période, même s’il a été grandement aidé par le malheureux Ulrich, Benzema a parfaitement suivi la passe en retrait de Corentin Tolisso pour donner un avantage aux siens aussi décisif que nécessaire. Au final, la surprenante titularisation de Benzema aura donné raison à Zidane. Conservateur dans ses choix, Zidane avait décidé d’aligner le même 11 de départs à Kiev qu’à Cardiff, probablement rassuré par la performance de son compatriote face au Bayern Münich. Bien lui en a pris car outre son but, Benzema a été l’un des meilleurs madrilènes de la finale.

2018 à 2019 : un passage de témoin plus que réussi pour Benzema

Durant l’été 2018, ce qui était pressenti depuis quelque temps s’était concrétisé : Cristiano Ronaldo, le deuxième joueur le plus emblématique de l’histoire du club derrière Alfredo Di Stéfano a été transféré à la Juventus Turin. Au-delà de l’impact retentissant que ce transfert a eu sur le football mondial, il a également signifié que le Real Madrid devait relever le défi de combler les quelque 50 buts par saison que garantissait l’attaquant portugais.

Alors que le recrutement de Mauro Icardi était possible jusqu’à début juillet, le club a préféré rapatrié Mariano Diaz auteur d’une saison prolifique en Ligue 1 (18 buts) aux côté de Fekir et Depay avec l’Olympique lyonnais. Cet état de fait démontre toute la confiance du Real Madrid envers Benzema et ce dernier ne l’a pas trahie, bien au contraire.

Orphelin de celui qui a été son compère de l’attaque durant de nombreuses années, Karim Benzema ne s’est pas défilé à l’heure de reprendre le flambeau de l’attaque madrilène. Avec 5 buts inscrits en 4 rencontres officielles dont 4 en Liga, le natif de Bron a pris son nouveau rôle, on ne peut plus au sérieux. À titre comparatif, il n’avait marqué que 5 buts en 34 matchs de Liga lors de l’exercice précédent.

À l’époque, Frédéric Hermel avait apporté son opinion sur les raisons de la métamorphose de Benzema : l’absence de Cristiano Ronaldo, le fait d’avoir pu effectuer une préparation complète (contrairement aux mondialistes) et son travail de musculation. Selon le journaliste français, Benzema réalisait un travail de musculation spécifique, et ceci, depuis plusieurs années, afin de renforcer sa musculature avec comme corollaire principal une meilleure explosivité.

En outre, Hermel soulignait également la confiance indéfectible de Julen Lopetegui envers l’attaquant français. En effet, dès la fin de la première semaine de la pré-saison, on pouvait voir une photo publiée par l’entraîneur madrilène sur laquelle on le voyait proche de Benzema. S’il est vrai que l’absence de Cristiano Ronaldo diminuait la propension de Karim Benzema à le rechercher sur le terrain plutôt qu’à marquer, sa présence ne justifiait pas le manque de réalisme de l’attaquant français.

D’ailleurs, après le mois d’août, le natif de Bron marquait tous les 2,2 tirs, chiffre bien inférieur aux 7,5 tirs dont il avait besoin pour marquer la saison précédente. De son arrivée dans la capitale espagnole à début septembre 2018, Benzema avait marqué 197 buts en 1 018 tirs (un but tous les 5,1 tirs). Il s’agissait donc d’un Benzema bien plus efficace et réaliste que les saisons précédentes. On pourrait penser que Benzema frappait plus au but sans Cristiano, mais il n’en est rien. Benzema tentait sa chance toutes les trente-cinq minutes au début de saison 2018-2019 pour trente-quatre la saison d’avant.

2019 à 2021 : leader d’attaque sous Zidane et grand artisan de LaLiga 2019-2020

Seulement 12 minutes après le début de LaLiga 2019-2020, Benzema avait ouvert son compteur but. Il ne lui en aura fallu que 68 supplémentaires pour délivrer sa 1ʳᵉ passe décisive. Le message envoyé était clair : Luka Jović, recruté durant le mercato en tant que renfort offensif, devrait batailler s’il entendait bousculer la hiérarchie des avant-centres.

Le 6 novembre 2019, en inscrivant un doublé face à Galatasaray, Benzema est devenu le 2e joueur après Messi à avoir marqué dans 15 éditions consécutives de la Ligue des champions ainsi que le 3e joueur de l’histoire du Real Madrid à avoir inscrit au moins 50 buts dans la compétition phare européenne. La 2e partie de la saison a été marquée par le contexte de la pandémie. LaLiga a été interrompue pendant 3 mois et pour ses rencontres à domicile, le Real Madrid a troqué la grandeur du Santiago Bernabéu pour la discrétion du Stade Alfredo Di Stéfano.

Le 18 juin 2020, les hommes de Zidane n’ont pas manqué leur premier rendez-vous dans le stade au nom de la légende du club. Benzema non plus. En inscrivant un doublé face au FC Valence, Karim a surpassé Ferenc Puskás au classement de meilleurs buteurs de l’histoire du club en grimpant à la 4e place. Lors de cette rencontre, l’attaquant français a inscrit l’un des plus beaux buts de sa carrière avec un enchaînement dont lui seul a le secret.

Quelques journées plus tard, Benzema refait parler son génie. En manque de solution dans la surface adverse, Karim a eu l’audace d’effectuer une talonnade pour permettre à Casemiro d’inscrire un but crucial dans la course à LaLiga. À noter que le ballon est passé entre les jambes du défenseur de l’Espanyol Barcelone avant d’atterrir dans les pieds du Brésilien. Pour la 2e saison consécutive, Benzema a terminé comme meilleur buteur du club toutes compétitions confondues avec le chiffre flatteur de 27 réalisations.

Avec 23 buts dont qu’un seul sur pénalty et 9 passes décisives, Benzema a réalisé une saison 2020-2021 très positive sur le plan personnel. Même si le Real Madrid n’a pas remporté de titres, cela n’a pas entaché la régularité que le français démontrait depuis plusieurs saisons. Cet état de fait aura de l’importance dans l’optique de la meilleure saison de sa carrière. La fin cette saison a été marquée par le deuxième départ de Zidane du club en tant qu’entraîneur laissant Benzema une nouvelle fois orphelin de son mentor naturel.

 

Gjon Haskaj

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