Dani Carvajal, la trentaine lui va si bien

A l’aube de ses 32 ans, le joueur formé au Real Madrid n’a jamais semblé aussi sûr de sa force. Redoutable offensivement, Dani Carvajal a progressivement gommé les bévues défensives de son jeu. Son manque de reconnaissance interroge, à l’heure où Florentino Pérez aimerait enrôler un autre crack dans le couloir droit.

Dani Carvajal (Icon Sport)

3e minute de jeu au stade Santiago Bernabéu. 13e journée de Liga. Les derniers spectateurs n’ont pas encore pris place dans le magnifique écrin du Real Madrid, tout juste rénové. A la passe millimétrée de Toni Kroos, Dani Carvajal répond par un contrôle approximatif. Un rebond, deux rebonds. Puis l’Espagnol décoche une frappe bombée, de son mauvais pied, qui vient coiffer le poteau gauche de Mamardashvili.

Le décor est planté. Face à Valence, le latéral droit de la Maison Blanche n’a pas fait dans la dentelle pour immédiatement lancer sur orbite ses coéquipiers. Ce but, reflet de sa bonne santé offensive, ne saurait faire oublier tous ses efforts défensifs pour maintenir à flot, depuis le début de saison, le couloir droit des Merengues.

Dix ans après son intégration dans l’équipe première, le niveau moyen de l’Espagnol ferait rougir n’importe quel défenseur avide d’une telle place dans un effectif multi-étoilé. Pur produit de la formation madrilène, Daniel Carvajal a effectué une pige au Bayer Leverkusen, en 2012/2013, avant de rentrer à la maison pour fourbir ses armes. Une décennie de progrès… et de doutes. Si l’Espagnol se montre rarement décevant dans les grands rendez-vous, il se trouve constamment mis face à ses propres limites physiques.

Depuis quelques semaines, le natif de Leganés les éloigne sans fard, encouragé par un corps qui semble lui donner du répit.

Inaltérable jambe droite d’un collectif qui penche à gauche

Celui qui, à cause d’un problème cardiaque, a failli ranger les crampons durant l’été 2017 apparaît aujourd’hui dans une forme olympique. La péricardite dont il souffrait s’est révélée bénigne. Le « ouf » de soulagement poussé à l’époque par le staff et les supporters reflète un certain amour des fans à la fois pour l’homme et le joueur. Dani Carvajal incarne le madridisme à l’état pur, celui qui n’hésite pas à se transcender pour l’écusson – quitte à y laisser ses deux poumons – et ne renonce jamais avant l’ultime coup de sifflet.

Ce n’est évidemment pas un hasard si le centre décisif pour Rodrygo, lors du temps additionnel de Real Madrid-Manchester City en 2022, provient de son pied droit. Ce match, sommet émotionnel paroxystique, a en partie permis de le réhabiliter auprès des observateurs. A défaut de faire l’unanimité, l’Espagnol règne en maître sur son couloir.

Dani Carvajal et Jude Bellingham (Icon Sport)

Dani Carvajal et Jude Bellingham (Icon Sport)

Avec le départ d’Alvaro Odriozola à l’intersaison, qui n’aura pas laissé un grand souvenir en terre madrilène, l’Espagnol ne dispose d’aucune véritable doublure. Lucas Vazquez et Nacho peuvent dépanner sur le côté droit, mais là n’est pas leur poste originel. Dani Carvajal n’est pas du genre à verser dans le strict minimum. De manière contre-intuitive, cette non-concurrence participe au maintien d’une exigence absolue. Carlo Ancelotti le sait mieux que quiconque : son piston droit crée la surprise, provoque le basculement, et amenuise le déséquilibre de son équipe.

Depuis l’avènement de Vinicius, la Casa Blanca a une forte tendance à déployer ses attaques depuis la gauche du terrain. Grâce à un latéral droit de métier, précis dans ses passes et habile techniquement, les différentes offensives se veulent moins caricaturales. Mais il n’y a pas que dans le dernier tiers du rectangle vert que Dani Carvajal s’illustre avec éclat.

Lors de la retentissante défaite face à l’Atletico Madrid en septembre dernier (3-1), la jambe droite du Real était à l’infirmerie. Sans pansement adéquat, l’hémorragie s’est propagée en défense. Le danger a alors irrigué ce secteur laissé dans l’inconfort, orphelin d’un équipier sobre et rassurant.

Dani Carvajal, Merengue dans l’âme et dans le jeu

L’homme aux cinq Ligues des champions ne s’embarrasse d’aucun chichi : sa renommée tient davantage de sa justesse gestuelle que de ses fantaisies balle au pied. Parfait complément de Marcelo en son temps, l’Espagnol souffrait néanmoins de critiques constantes sur son placement. Sommé de revenir rapidement défendre après une attaque tronquée, Dani Carvajal laissait parfois le dilettantisme contaminer son jeu.

Le défenseur axial droit devant pallier son absence, cette faute affectait d’une manière ou d’une autre la disposition tactique du groupe. Fort heureusement, ce cas se raréfie depuis plusieurs mois. Si le Madrilène de formation a pu gommer ses errances au profit d’une rigueur perfectionnée, c’est aussi grâce à sa capacité à assumer ses allers-retours incessants.

Dans le football moderne, les droits du latéral ont parfois tendance à supplanter ses devoirs. Injonction à aller de l’avant, dézonages multiples, relation privilégiée avec les attaquants… Sans renoncer à suivre l’évolution de son poste au fil des années, Carvajal a tant bien que mal cherché à tempérer cette modernité. S’il n’y est pas toujours parvenu – tant s’en faut ! -, force est de reconnaître sa redoutable force de caractère au quotidien.

Irréprochable physiquement depuis deux saisons et demi, le trentenaire réussit à mettre bout à bout tous les éléments qui font sa force afin de faire profiter le Real Madrid de son expérience et de sa grinta. L’homme dévore les kilomètres et le joueur se nourrit de chaque déplacement.

S’il est illusoire de plaire à tout le monde, on peut toutefois regretter le manque de considération médiatique pour un joueur qui porte haut les valeurs du madridisme. Dani Carvajal n’a jamais prétendu être parfait mais peut-être demeure-t-il, dans la fleur de l’âge, la valeur sûre d’un Madrid largement rajeuni. Lors du prochain mercato estival, les hauts décisionnaires seraient bien inspirés d’engager un jeune loup que l’Espagnol couverait pas à pas. Car si le contrat actuel de Carvajal expire le 30 juin 2025, nul doute que le futur proche s’écrit, d’abord, avec Dani.

 

Tanguy Soyer