Rodrygo, le facteur X

L’énigmatique Rodrygo Goes est à un tournant de son histoire avec le Real Madrid. Sera-t-il le facteur X, le sauveur, la belle surprise de la fin de saison des Madridistas ? Ou bien continuera-t-il à nous faire douter de son véritable potentiel et finira-t-il sur la liste des transferts au prochain mercato estival ? Faisons le point ensemble sur l’exercice 2021-2022 de Rodrygo, le pendant brésilien de Viní Jr. à droite.

Il a provoqué le second penalty de la rencontre face au Celta de Vigo ce week-end, Rodrygo montre en cette fin de saison qu’il a une carte à jouer. Il est même en balance favorable pour être aligné titulaire par Carlo Ancelotti pour les prochains matchs.

Acheté à l’été 2018 par Florentino Pérez pour la modique somme de 45 millions d’euros à Santos, il débarque à Madrid à l’aube de la saison 2019-2020 avec l’étiquette du prochain Neymar. Le jeune brésilien intègre rapidement la rotation de Zinedine Zidane et s’illustre surtout en phase de groupe de Ligue des champions, avec notamment un triplé en novembre 2020 contre Galatasaray. Les observateurs et les Madridistas voient en lui un joueur technique et plein de sang-froid (contrairement à son homologue Viní. Jr à cette période) mais encore trop frêle physiquement. Un potentiel exceptionnel, voilà notre première impression à nous spectateurs, appuyés par des débuts prometteurs, une bonne attitude et une excellente éthique de travail. Rodrygo va par exemple profiter de la pandémie du COVID-19 pour suivre un plan spécial pour gagner de la masse musculaire : « Je suis revenu beaucoup mieux et cela m’a beaucoup aidé. Nous savons qu’ici en Europe, plus vous êtes fort et rapide, plus vous prenez de l’avance sur les autres » a confié le joueur à un média brésilien courant du mois de janvier 2022.

Cependant, malgré ses efforts et les opportunités qui lui ont été données, Rodrygo n’a jamais convaincu Zidane ou même Ancelotti d’en faire un titulaire indiscutable. Mais pourquoi ? Après 3 années au club, il n’a que 21 ans oui, mais le Real Madrid, c’est l’exigence, c’est l’impatience et la concurrence. L’exercice 2021-2022 et l’arrivée du tacticien italien devaient être le déclic pour lui. Qu’en est-il alors qu’on entre dans la dernière ligne droite de la saison ?

Rodrygo, victime ou responsable de sa saison mitigée ?

Le Real Madrid de Carlo Ancelotti fait une très bonne saison dans les résultats. Premier de LaLiga, qualifié en quart de finale de la Ligue des champions et vainqueur de la Supercoupe d’Espagne, l’équipe aux treize C1 peut compter sur un mur dans les cages, une charnière centrale complémentaire, un latéral gauche en constante progression, un milieu de terrain historique de retour à son meilleur niveau et un duo Benzema-Viní Jr. qui marche sur l’eau depuis le début de saison.

Mais tout n’est pas rose, le point noir étant l’aile droite du Real. Elle est catastrophique, tant défensivement avec Carvajal qui est bien loin de son niveau d’antan (le procès du numéro 2 madridista attendra encore un peu), qu’offensivement avec Rodrygo ou Asensio. Les deux joueurs se partagent le temps de jeu, 35 matchs dont 16 titularisations pour Rodrygo et 33 matchs dont 18 titularisations pour Asensio. Une raison, la tactique du coach italien qui sacrifie l’animation offensive à droite au profit de la connexion Benzema-Viní Jr. 42 % des attaques du Real Madrid se déroulent à gauche contre 33 % depuis l’aile droite. Il demande à son ailier droit, Asensio ou Rodrygo d’être extrêmement discipliné et de faire les efforts défensifs. Ces consignes brident le potentiel offensif de l’un comme de l’autre. D’ailleurs, le poste en lui-même ainsi que le rôle, « pur ailier droit » n’est sans doute pas le meilleur poste pour notre pépite brésilienne.

Pourtant, visuellement, Rodrygo propose une véritable plus-value à un Asensio beaucoup trop démagogique. Variations de rythme, percussions, vitesse… Il est intéressant en phase de transition rapide et s’est nettement amélioré dans ces transmissions, surtout dans les centres. C’est également un très bon dribbleur : 1,9 dribble réussi par 90 à 45 % de réussite. Et étonnamment, c’est défensivement qu’il performe le plus. Bon à perte de balle, il est présent statistiquement dans la meilleure moitié des ailiers droits en Europe au niveau de toutes les métriques défensives au pressing et à la récupération. Cela lui a permis de vraiment s’inscrire dans la hiérarchie de Carlo Ancelotti et d’être préféré au gaucher Espagnol pour certaines confrontations. Mais concrètement, cela se traduit seulement par 2 buts et 3 passes décisives toutes compétitions confondues cette saison. Très peu décisif, il est sous la moyenne à son poste dans les cinq grands championnats en buts, en xA (passes décisives attendues), en npxG+xA (xG hors pénaltys + xA) qui témoigne du nombre de fois où un joueur se trouve dans une situation décisive et en termes d’actions menant à un tir.

Globalement performant en Ligue des champions, Rodrygo est le sauveur du Real à Giuseppe-Meazza en inscrivant le but de la victoire à la 89e minute. Toutefois, ce doux souvenir remonte à septembre 2021, et c’est probablement le plus beau moment de sa saison… Le club à la mythique tunique blanche a le meilleur duo offensif d’Europe cette saison, mais un des pires trios chez les grands clubs encore en lice en C1. Ancelotti a fait des choix tactiques, mais peut-être, car ses options à droite sont limitées. Asensio est décevant pour ne pas dire mauvais et Rodrygo ne franchit pas le cap offensivement.

Rodrygo et le Real Madrid, une relation platonique et condamnée ?

Rodrygo est talentueux mais incapable de nous surprendre cette saison. Comme dans une relation amoureuse, une routine s’installe, quelques petites déceptions qui consument notre amour pour ce joueur lentement. Où est la folie brésilienne ? Où est passé son sang-froid de tueur devant les buts, lui qui est si maladroit cette saison ? Où est le fameux match référence dans une grosse rencontre ? Le jeu de séduction disparaît et laisse place peu à peu à la frustration de promesses non-tenues. Comme une impression de garder sous le coude une copine ou un copain jusqu’à trouver mieux. Désormais, on se contente de peu, car oui, Rodrygo est meilleur qu’Asensio et doit être titulaire à droite, mais pas pour les bonnes raisons.

Mais à seulement 21 ans et trois années au Real Madrid, devons-nous tirer des conclusions hâtives ? La jurisprudence Viní Jr. ne devrait-elle pas nous servir de leçon ? Nous savons que pour un Brésilien, il n’est jamais simple de s’adapter au football européen. Rodrygo a la tête sur les épaules et semble être vraiment concentré pour réussir au Real Madrid. Il mérite une chance de montrer qu’il peut être le facteur X de cette fin de saison. Depuis son arrivée en Espagne à l’été 2019, c’est 94 matchs, 45 titularisations, 11 buts et 15 passes décisives toutes compétitions confondues.

Mais n’est-ce pas déjà trop tard ?

Le problème, c’est le temps, comme souvent d’ailleurs. L’année 2022 est un tournant pour le plus grand club de l’histoire, avec un mercato XXL annoncé cet été avec les potentielles arrivées de Kylian Mbappé et Erling Haaland. Il faudra donc, pour le club espagnol, faire de la place dans son effectif et Rodrygo pourrait en faire les frais. Une vente définitive, un prêt ou le garder en rotation et plutôt sacrifier Asensio, voilà les interrogations qui vont titiller Florentino Pérez concernant son pari brésilien à 45 millions d’euros.

Victor Brochet